Compte à rebours du Climat. En direct de Lima(3). Les négociateurs en panne, les ONG impuissantes: face à la caravane populaire du climat

Claude-Marie Vadrot  • 7 décembre 2014
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Peu de diplomates l’ont remarqué, mais comme la conférence est installée dans un camp militaire, ils longent tous les jours sur des centaines de mètres un « parcours du combattant » particulièrement riche en obstacles difficiles à franchir. Plus qu’un symbole…

Illustration - Compte à rebours du Climat. En direct de Lima(3). Les négociateurs en panne, les ONG impuissantes: face à la caravane populaire du  climat

Le typhon Hagupit qui menace cette semaine les Philippines comme le typhon Haiyan qui frappa ce pays il y a un an pendant la conférence de Varsovie, le Pérou qui manque d’eau, le bassin amazonien qui se dessèche et perd son couvert forestier, l’année 2014 la plus chaude dans le monde depuis que les relevés météo existent, les glaciers de Andes qui se rétrécissent à vue d’œil chaque année comme vient de le montrer l’ONG CARE, les multinationales de l’agro-alimentaire qui accaparent les meilleurs terres et l’eau pour l’irrigation aux dépends des petits paysans péruviens…Autant de catastrophes ou de dérèglements en cours qui n’émeuvent pas le moins du monde les négociateurs officiels perdus dans leurs textes. Au cours d’une conférence de presse tenus samedi matin à Lima, des ONG comme Attac, le Réseau Climat, les Amis de la terre, Oxfam-France et quelques autres réunis dans la Coalition climat 21, ont expliqué comment et pourquoi les diplomates présents à Lima, leur apparaissent de plus en plus enfermés dans leur « bulle loin des réalités du Monde, du Pérou et de l’Amérique Latine ; il existe des contradictions flagrantes entre ce qui se passe dans le monde et ce qui se passe ou ne se passe pas ici ».

Mais, contre vents et marées et en dépit de fréquentes déceptions, ces ONG estiment que les conférences climatiques ont leur utilité et que la société civile qu’ils représentent joue son rôle dans les négociations et les prises de conscience : « Notre rôle est indispensable, nous servons d’aiguillon. Certes sur une ligne défensive, mais nous ne sommes pas naïfs au point de ne pas nous rendre compte que les bonnes nouvelles, il y en a, sont trop petites pour qu’elles puissent être prises en compte. Pour le reste, il est évident que le niveau des discussions n’est pas à la hauteur des dangers. Comment, par exemple, parler d’énergie en omettant d’évoquer les négociations en cours entre les Etats-Unis et l’Union européenne sur la libéralisation du marché de l’énergie. Laquelle concerne essentiellement les combustibles fossiles et donc le climat de la planète» .

Mais comme les pays réunis à Lima, les associations s’accrochent désormais à l’objectif imposé progressivement par les négociateurs depuis l’échec de la conférence de Copenhague en décembre 2009 : limiter le réchauffement global du climat à 2°. Acceptation qui représente un recul par rapport aux dernières études du GIEC (Groupement Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) puisque désormais il est patent que cet objectif est hors d’atteinte dans les conditions économiques et géopolitiques actuelles. Parce que, comme le soulignent les ONG après une semaine, les banques « climaticides » sont toujours plus actives. Nul le pouvant dire, par exemple, si le recul de la Société Générale dans sa participation au projet Alpha Coal, l’ouverture d’une gigantesque mine de charbon en Australie est liée à la pression des associations environnementalistes …ou à la découverte que ce projet comportait trop de risque financier. Tout le système économique joue désormais à cache-cache avec l’écologie et le climat. Pour les associations qui mènent ces luttes, il est d’autant plus difficile de l’admettre que les experts officiels et les experts des ONG parlent désormais la même langue technocratique difficilement accessible aux citoyens…

Ce qui n’était pas le cas samedi soir à Lima, des milliers de participants à la « caravane du climat » qui avaient investi la place San Martin de la capitale, à l’orée d’un quartier populaire, pour annoncer, célébrer et illustrer le « Sommet des Peuples » qui s’installe demain au Parc des Expositions. Sur le thème « le sommet de l’ONU ne nous représente pas » , de la musique, des projections sur écran géant et des petites pièces de théâtre ont fort simplement expliqué aux participants les dangers de la pollution et de la raréfaction de l’eau, la perte de biodiversité et la dégradation des terres entrainée par le réchauffement de la planète. En des termes simples, vivants qui contrastaient avec les discussions de la conférence et des associations qui la contestent en utilisant le même langage…

Une belle soirée de réalisme militant pendant laquelle les mots révoltes et révolution, revenaient plus souvent que les arguments techniques.

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