Véronique, dans son studio après 4 mois de rue

La période est difficile. Chacun s’apprête à fêter Noël seul, dans la rue, ou dans un hébergement d’urgence. Alors, ils rêvent du Noël de l’année prochaine et s’imaginent auprès de leurs enfants, d’une famille. En attendant, ils se réunissent encore chaque mardi pour l’atelier d’écriture. Véronique, 60 ans, qui vient de trouver un logement, leur redonne espoir. Voici son joli texte…

Eloïse Lebourg  • 27 décembre 2014
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Véronique, dans son studio après 4 mois de rue

Magali a débarqué avec ses enfants. Après avoir pris connaissance du blog, elle a pris son courage à deux mains, a cuisiné un bon gâteau, pris quelques clémentines et papillotes et est venue les distribuer lors de l’atelier de l’écriture! Merci à elle qui dit n’avoir jamais osé jusque là faire le pas… Tant mieux si ce blog nous fait changer le regard sur les gens de la rue… C’est le but…

Quand on vit dans la rue , certains jours, la solitude est pesante. On se promène en portant ses sacs, ou en roulant son caddie. Dedans, j’y avais mes couvertures, un duvet et quelques vêtements. On regarde les vitrines, on regarde les gens. Beaucoup m’ont parlé, d’autres m’ont évitée. On dirait qu’ils ont peur, peur de se retrouver dans notre situation, mais comme je n’ai de cesse de le répéter, ça peut arriver à tout le monde. Après 50 ans, c’est si difficile de trouver un emploi, trop de logements sont vacants. Les robots, les machines informatisées, les ordinateurs ont supprimé trop de travail humain.

J’ai beaucoup discuté avec des jeunes SDF de 20 ans, 25, 30, 35 ans. Ils sont tristes, stressés, sourient rarement. Beaucoup n’ont pas de famille, ou des familles brisées. Alors certains se mettent à boire. De la bière surtout et du mauvais vin, parce qu’ils s’ennuient. Quand ils voient d’autres jeunes de leur âge, bien habillés, avec leurs enfants, ils ont mal, ça les ramène à leur «échec». Alors, en buvant, ils oublient leur réalité, noient leur peine. Souvent, je leur dis:
«Vous n’avez pas de logement, pas de famille, pas d’emploi, mais vous avez la santé, ne la bousillez pas!»
Il ne faut pas la détruire en buvant. Avec le temps, beaucoup de patience, les choses changent. Il faut s’interdire de verser dans le désespoir. Même si parfois c’est surhumain…

Illustration - Véronique, dans son studio après 4 mois de rue

Mardi 16 décembre, il y a eu l’arbre de Noël à l’accueil de jour. Nous étions nombreux, des retraités, des jeunes et des enfants. Je crois qu’à l’accueil de jour, de plus en plus de gens viennent, surtout en fin de mois. Cette journée de Noël avant l’heure était vraiment bien. Un beau sapin, un bon repas, des pots de fleurs sur les tables, des bénévoles pour animer. Certains ont même joué de la musique.

Dans mon studio, je me suis acheté un petit sapin. Il est vraiment petit, il fait 20 centimètres! Mais il est mignon. j’ai disposé à côté un petit ours blanc en plastique. C’est beau sur la table. Je suis bien contente, on m’a donné de beaux vêtements, ils sont presque tout neufs, de belles bottes, deux pantalons et cinq pulls. Et une boîte de chocolats. C’est bien tout ça, c’est un peu Noël avant l’heure. Pour le réveillon, je vais me faire une soupe à l’oignon, avec beaucoup de fromage, du boudin blanc, des pommes dauphines, une escalope de dinde, une boite de marrons et une salade de fruits. Si je peux, une bûche de Noël…

Si j’étais enfant, je commanderais un monde meilleur…

C’est bien d’avoir un toit, un logement. On a le calme, la chaleur et la tranquillité. Mais je dois économiser centime par centime. Mon loyer est de 320 euros par mois. Mon RSA est de 530. Les APL m’aident. Je n’ai que 97 euros de loyer à payer, plus l’électricité et l’assurance. J’espère que ça durera toujours ce toit sur ma tête.

Quand j’ouvre ou ferme mes volets, je sens l’air froid, alors je pense. Je pense au fait que d’autres gens dorment dans la rue, comme moi il y a encore un mois. Je me dis qu’il y a peut-être une autre femme quelque part…
Si j’étais petite, si j’étais une enfant, je demanderais beaucoup de choses au père Noël. Mais surtout, un monde meilleur…Il faut plus de compréhension, plus d’humanisme, plus de partage, plus de solidarité, plus d’honnêteté, plus de bénévoles, plus de logements sociaux. Rénover les anciens bâtiments. Reconsidérer les emplois manuels, respecter la nature. Ne pas jeter les emballages par terre. Il faut apprendre aux petits enfants à prendre soin des animaux, les aimer. Les animaux sont les meilleurs compagnons des humains, surtout les chiens, les chevaux… Ils sont sincères et reconnaissants…

Si j’étais un enfant, je commanderais tout ça au père Noël..
Mais je suis une femme, un peu vieille, qui a tout perdu si vite… Mais qui s’efforce encore de croire que ce monde peut être meilleur, grâce à nous tous….

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
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