Question d’imagination

Christine Tréguier  • 2 janvier 2015
Partager :

Avant Noël le maire d’Angoulême s’est fait copieusement huer pour avoir fait installer des cages grillagées autour des bancs publics de la Place du Champ-de-Mars au centre ville. Motif de cette opération surréaliste réalisée la veille des fêtes de Noël, les revendications des commerçants et riverains qui se plaindraient du fait que les bancs étaient « utilisés quasi exclusivement par des personnes qui se livrent à une alcoolisation récurrente, tous les jours » . Face au tollé médiatique, la municipalité a dès le lendemain fait démonter les cages, affirmant que la mesure visait plus les dealers que les SDF.

La tendance n’est pas nouvelle. Outre les arrêtés anti-mendicité pris par certaines municipalités, les services d’aménagement rivalisent d’ingéniosité pour virer les indésirables des espaces publics comme privés. L’architecture sécuritaire, connue également sous le vocable d’architecture de prévention situationnelle, intègre ce paramètre depuis bien longtemps. Les habitants des villes sont habitués à voir des bancs ondulés, pourvus de rampe dans leur milieu, des sièges individuels sur lesquels on ne peut que s’asseoir inconfortablement ou des bords de fontaine spécialement inclinés pour que l’eau y stagne et dissuade toute velléité d’y poser une fesse.

D’autres dispositifs anti-SDF sont plus discrets mais tout aussi efficaces. Ainsi ces pointes d’acier, repérées en juin dernier par un londonien dans un renfoncement d’entrée d’immeuble où un indésirable aurait pu s’abriter. Le maire de Londres et le ministre du logement se sont publiquement indignés de telles pratiques et ont demandé le retrait des pics.

En France on s’indigne moins. Vous avez certainement repéré ces galets, pierres ou pics scellés au ciment ornant certains surfaces a priori disponibles. Tous les endroits où on pourrait être tenté de poser son baluchon, de s’asseoir, voire de piquer un roupillon ont été investis par les aménageurs zélés. Un collectif baptisé Survival Groupe a entrepris dès 2009 de les photographier et d’en faire l’inventaire. Grilles, pointes acérées, blocs de granit ou galets pseudo-décoratifs, faux murets, plans inclinés en verre ou en métal, tout est bon pour empêcher les haltes intempestives. Ici, on ne s’asseoit pas, on circule !

A Vancouver, RainCity Housing, une association spécialisée dans l’aide et la fourniture d’équipements pour les sans-abri, donne un exemple dont ferait bien de s’inspirer les édiles des grandes villes européennes. Elle a équipé les bancs de la ville d’un panneau qui, une fois relevé, constitue un toit et protège de la pluie. Et inscrit sur cet auvent de fortune l’adresse d’un des refuges de l’association. Une autre façon d’attirer l’attention sur le problème des sans-abri tout en les aidant.

Sur le Web [Le site du Survival Group ->http://www.survivalgroup.org/anti-site.html]
Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don