Ukraine: les massacres de la trêve et Poutine qui roule Hollande et Merkel

Claude-Marie Vadrot  • 21 février 2015
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Des bonnes âmes de l’extrême-gauche, évidemment l’extrême-droite mais aussi une bonne partie de la droite, toujours les mêmes, toujours refusant les évidences, peuvent continuer à gloser sur les « fascistes » de Kiev en oubliant ou en niant les armes lourdes russes qui continuent de franchir la frontière. Ceux qui crient au fascisme ou au néonazisme oublient d’ailleurs, aussi et curieusement, que cette frange de la population représente 6 ou 7 % en Ukraine alors qu’en France l’extrême-droite totalise actuellement un tiers des intentions de vote ; soit cinq ou six fois plus. Mais au delà des délirants pointant du doigt ou du mot hystérique, la CIA, le FBI, la NSA, l’OTAN ou l’Union européenne comme responsables du conflit ukrainien, il existe toujours une réalité : des massacres, de militaires et surtout de civils, qui se poursuivent grâce à l’intervention de la Russie qui se sert de la guerre qu’elle a provoqué avant de l’entretenir, pour dissimuler ses difficultés économiques, sociales et même politique à l’intérieur.

Ce nationalisme guerrier et cynique permet au pouvoir russe d’accroitre (si c’est encore possible !) son contrôle sur la presse et sur ce qui reste du mouvement associatif tentant de représenter la société civile. Avec une télévision aux images hallucinantes et truquées sans vergogne et deux agences de presse dont les dépêches et les sites servent de source d’informations à tous les défenseurs de la politique de Vladimir Poutine. De quoi balayer, comme le système de désinformation fonctionne aussi en direction de l’intérieur, la petite part de la population qui essaie de combattre le nationalisme triomphant et de dénoncer la hausse des prix et l’échec d’un système économique qui n’est pas parvenu à relayer les produits interdits d’importation par le pouvoir par des productions locales.

Les dirigeants européens, représentés par François Hollande et Angela Merkel, ont une fois de plus servi la soupe médiatique à Vladimir Poutine. Celui qui, comme Staline si ma mémoire est bonne, explique à son entourage : « Ce qui est à moi est à moi…et pour le reste on peut en discuter ». Le Président russe n’a jamais eu l’intention de respecter les accords de Minsk qu’il a fait semblant de refuser pendant plusieurs jours. La suite l’a montré. Aussi bien à Debaltsevo où des centaines de civils ont été tués ou blessés par les bombardements du matériel russe, manipulés par les spécialistes de l’armée de Poutine et non par des séparatistes, que dans la zone de Marioupol. Car ceux qui contestent l’aide militaire de la Russie doivent se poser des questions sur l’utilisation d’armes lourdes (blindés, lance-missiles, armes antichars, camions de télécommunication et de radars, etc.) qui ont été mise en service dans l’armée russe que fin 2013 ou courant 2014 et que l’armée ukrainienne et encore moins les séparatistes ne peuvent donc pas posséder.

Les décomptes les plus « optimistes » évoquent désormais 6000 morts parmi lesquels une majorité de civils : car si les forces ukrainiennes opèrent à partir de positions situées en rase campagne ou de leurs camps traditionnels, les séparatistes mènent les combats à partir de zones urbaines denses, exposant les habitants à de terribles bombardements en retour.

En laissant les séparatistes  » libres » de ne pas respecter le cessez-le-feu et en continuant à leur livrer des armes lourdes avec leurs munitions et leurs serveurs, le Kremlin a délibérément prolongé les combats et prenant le risque de nouvelles victimes. Tout en se retranchant, vis-à-vis de l’opinion russe, derrière un accord qui lui aurait été imposé par l’Europe. Les négociateurs savaient cela et ils ont accepté un marché de dupes dont la conséquence pourrait être, un jour ou l’autre, une progression de la mainmise sur le territoire ukrainien. Lequel vise à conquérir Marioupol puis toute la bande côtière menant à la Crimée, à Odessa et à la république de Transnistrie occupée depuis 1991. Une continuité depuis la Russie qui a été implicitement acceptée par Hollande et Merkel entrainant avec une fausse trêve le lâche soulagement de l’Union européenne.

Comme quoi, le parallèle entre Minsk et Munich reste pertinent. Les démocraties cèdent toujours face aux régimes autoritaires ou dictatoriaux qui n’ont pas de comptes à rendre à leurs opinions publiques…

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