#PJL Renseignement J -6

Christine Tréguier  • 30 avril 2015
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Illustration - #PJL Renseignement J -6

Petit point d’étape à six jours du vote public du projet de loi sur le renseignement prévu le 5 mai à l’assemblée. Les nombreuses critiques concernant une possible surveillance de masse, le recours à des technologies particulièrement intrusives et le pouvoir excessif accordé à l’exécutif ont été entendues. Les opposants disposaient de peu de temps, le projet étant soumis à une procédure d’urgence, mais le fait que les critiques émanent aussi bien de défenseurs des libertés, que d’avocats, de juges, de syndicats policiers, de prestataires internet, ou encore du défenseur des libertés, du Conseil du Numérique ou de la Commission consultative des droits de l’homme a contribué à les renforcer.

La Quadrature du Net, qui incite les électeurs à contacter leur député pour lui faire part de leurs inquiétudes, a publié la réponse type que bon nombre de députés semblent leur envoyer en guise de réponse. Elle commence ainsi : «  Vous attirez mon attention sur le projet de loi sur le renseignement. Parce que j’ai lu vos inquiétudes, je veux vous rassurer : ce texte n’est pas une loi de circonstance écrite dans la précipitation après les attentats de janvier dernier … » D’après le média en ligne Numerama, l’analyse de l’en-tête de ce mail indiquerait que son auteur n’est autre que le rapporteur de la loi Jean-Jacques Urvoas. Sur un ton paternaliste, cette réponse enchaine les explications rassurantes pour convaincre que le texte est équilibré et que suite aux auditions des opposants il a été amendé. Pour contrer l’accusation de « surveillance généralisée » elle évoque une collecte du renseignement « individuelle, proportionnée à la menace et temporaire » et un algorithme (la fameuse boite noire) « dont l’usage ne concernera que les seules données de connexion pour le strict cadre de la lutte antiterroriste ». La juxtaposition des deux phrases suggérant que cet algorithme serait mis en oeuvre pour capter les données d’individus désignés, ce qui n’est précisément pas le cas. Les procédures de contrôle sont longuement détaillées et la nouvelle commission de contrôle est qualifiée de « CNIL du renseignement (ça rassure) chargée d’effectuer un contrôle soutenu sur les demandes d’utilisation de toutes les techniques de renseignement présentées par les ministères compétents afin de s’assurer de la légalité et de la proportionnalité de cette mise en œuvre, de la pertinence des renseignements collectés et de la surveillance des seuls individus constituant une menace avérée. » C’est omettre de dire que son avis n’est que consultatif, que le premier ministre peut aller contre, voire s’en passer en cas d’urgence.

De leur côté, Thomas Guénolé (enseignant-politologue) et Katerina Ryzhakova (directrice d’un cabinet de communication), qui se qualifient d « habitants ordinaires de la France qui refusent simplement de vivre dans un « Etat policier numérique » » ont initié une pétition. Les signataires demandent le retrait du projet de loi : « Nous refusons le chantage à la menace terroriste érigé en argument d’autorité anti-libertés. Sur un sujet aussi grave que la définition du point d’équilibre entre sécurité et liberté, nous refusons la procédure accélérée au Parlement. Nous refusons que la consultation des ONG et de la société civile en général soit bâclée, qui plus est en les convoquant à la toute dernière minute. Sur des questions aussi vitales pour un régime démocratique, nous exigeons un débat approfondi, ouvert, transparent, pluraliste et public ». La pétition et ses 119 000 signatures ont été remises le 28 avril au premier ministre.

Pour calmer le jeu, François Hollande a promis, lors de son passage sur Canal Plus, de saisir lui-même le Conseil constitutionnel. Une procédure rarissime qui fait dire à la Quadrature du Net que « l’annonce de François Hollande doit être comprise comme une manœuvre visant à dissuader les parlementaires de leur devoir d’évaluer par eux-mêmes si le texte respecte les droits constitutionnels et conventionnels ».
Pas totalement convaincus non plus, deux députés UMP Laure de la Raudière et Pierre Lellouche, ont entrepris de rassembler 60 parlementaires pour eux aussi saisir les sages. Aux dernières nouvelles, ils seraient déjà 58.

Enfin les opposants appellent à nouveau à un rassemblement contre le projet de loi le lundi 4 mai à partir de 18h30 sur l’Esplanade des Invalides et Mediapart organisera « Six heures contre la surveillance » de débats et discussions en direct.

{{Sur le web }} [La pétition en ligne->https://www.change.org/p/retirez-le-pjlrenseignement-le-big-brother-fran%C3%A7ais-stoploirenseignement?lang=fr] [Le mail de réponse des députés->http://wiki.laquadrature.net/Mail_type_de_d%C3%A9put%C3%A9_copiant-collant_%C3%A9l%C3%A9ments_de_langage_PJLrenseignement]
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