Conférence climat: un accord historique ?? Seules seront « historiques » les catastrophes à venir…

Claude-Marie Vadrot  • 13 décembre 2015
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Pour comprendre les dessous de l’accord célébré samedi au Bourget alors que de nombreux diplomates étaient venus avec leurs valises qu’ils trainaient dans les couloirs, il faut se souvenir que le coup de marteau final (et assez ridicule) de Laurent Fabius et le discours lyrique de François Hollande ont résonné de justesse plus de 24 heures après la fin initialement programmé de la Conférence. Après des pressions, des promesses exercées auprès de nombreux Etats décidés à refuser tout accord. Les uns parce qu’ils le trouvaient tout à fait insuffisant, les autres parce qu’ils le considéraient comme allant trop loin dans les vagues promesses.

Les premiers, comme les Maldives, les Etats vulnérables et/ou pauvres, ont été victimes de la « calinothérapie » du gouvernement français, leur promettant monts et merveilles à chacun d’entre eux en matière de subventions ont fini par renoncer parce qu’ils se moquent de leurs opinions publiques, faute de démocratie. Les seconds, comme l’Arabie Saoudite et les nations pétrolières, auxquels la France, la Grande Bretagne et les Etats Unis ont expliqué qu’ils n’avaient rien à craindre et que l’absence de référence aux énergies fossiles et l’absence de contraintes légales leur laissaient tout le temps nécessaire pour écouler sur le marché mondial leurs réserves de charbon, de pétrole et de gaz. En contradiction, notamment, avec Jean Jouzel, qui rappelle que le climat sera préservé seulement si 80 % des sources d’énergie fossiles restaient là où elles sont…

Il a donc fallu, jusqu’au dernier moment, y compris après la rédaction du texte définitif, convaincre ou dissuader, (voire faire pression sur eux) les récalcitrants un par un. De quoi expliquer pourquoi il a fallu toute la journée de samedi pour que la diplomatie française obtienne la promesse qu’une vingtaine de pays, ne se manifesterait pas au dernier moment au cours de la séance plénière, pour faire savoir que le « consensus » ne leur convenait pas. Au cours des dernières heures, le texte final a donc été systématiquement expurgé de quelques mots et phrases qui fâchaient ou inquiétaient encore. Ce qui explique que l’accord final ait sauvé les apparences, mais pas le climat.
Combien de diplomates ont applaudi simplement parce qu’ils étaient soulagés d’avoir échappé à leur responsabilité ?

Guère surprenant , donc, que les laudateurs les plus enthousiastes de « l’accord de Paris » aient été les cercles patronaux, les associations de banquiers et les cercles d’économistes pas le moins du monde « atterrés ». Tous soulagés que c’était « business as usual » et qu’ils allaient, en prime, faire quelques bénéfices en plus grâce aux énergies renouvelables. D’autant plus que les pays riches et industrialisés pourront les vendre aux nations du Sud grâce au Fond vert dont les arcanes n’ont pas plus été dévoilées dans le texte final que dans celui qui avait été adopté à Copenhague en 2009.

Accord historique ? En entendant ce mot, comme je l’ai parfois expliqué, souvent seul contre tous (avec Genéviève Azam), dans les studios de télévision relayant l’euphorie de la séance finale, notamment sur BFM, que seuls les orages, les tempêtes, les inondations, les submersions par les mers, les sécheresses, les disparitions d’espèces, les migrations de réfugiés climatiques qui marqueront les prochaines années, pourraient être qualifiés « d’historiques ».

24 heures avant la publication du mauvais texte final les militants du réseau mondial pour le climat (CAN) s’empressait de proclamer une fausse victoire et la fin illusoire des énergies fossilles

Illustration - Conférence climat: un accord historique ?? Seules seront "historiques" les catastrophes à venir...
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Le plus surprenant sans doute, en commençant par Greenpeace et WWF, aura été la modération de nombreuses associations, se joignant aux louanges générales avant d’expliquer, quelques heures plus tard, que l’accord était certes historique et universel, mais qu’il ne réglait pas la question du dérèglement climatique. Un rétropédalage qui illustre les contradictions des ONG « Embedded » qui souhaitent continuer à être reconnus par les Nations Unies et les gouvernements, même si elles constatent qu’elles sont de moins en moins entendus par les conférences sur l’environnement et le climat auxquelles elles servent de caution tout en perdant leur efficacité et leur crédibilité auprès des opinions publiques. Il n’est d’ailleurs pas certain que celles qui se veulent à la fois partenaires et résolument critiques ou qui se tiennent volontairement à l’écart soit plus efficaces pour mobiliser l’opinion publique française. Un « marais » qui, bien avant les attentats du 13 novembre, plaçaient les questions environnementales et climatiques aux derniers rangs de l’opinion publique française.

Historique, peut-être , l’échec des écologistes politiques qui n’ont pas réussi à se faire entendre, pris au pièges de leurs soucis électoraux et de leur incapacité à définir des stratégies claires. Quand, avec des associations, ils mettront un million de personnes dans les rues, il sera possible d’espérer des textes de loi et des accords sérieux susceptibles de changer une société de gaspillages, de pollutions et de destructions…

En route pour la COP 22, à Marrakech où il fera plus chaud…

Illustration - Conférence climat: un accord historique ?? Seules seront "historiques" les catastrophes à venir...
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