Rampe de lancement

La troisième édition du festival Berthier a fermé ses portes le 17 juin. Olivier Py réfléchit à une autre forme de tremplin pour les jeunes acteurs.

Ingrid Merckx  • 21 juin 2007 abonné·es

Ils sont trois. La mère, le père, le fils. Elle, d’abord, qui gigote et astique, annonçant ce qu’elle fait : nettoyer la maison, mettre son tablier, couper les oignons. Elle entre en symbiose avec les tâches ménagères. Amusante, inquiétante, robotique. Lui, Lucien Petit, le type qui a tout raté, campe devant son poste de télé, obsédé par la neige du petit écran. Dans son coin, leur grand gamin fait tomber ses céréales sur le sol, s’abîme dans une émission de télé-réalité, essaie, surtout, de tourner le dos au manège parental.

Cette famille est en crise, c’est peu de le dire, chacun susurrant ou criant un mal-être que les autres n’entendent pas. Juste, quand la mère croise son fils, une caresse échangée les yeux dans les yeux en dit long sur le silence supposé du père, sa défaite et la détresse dans laquelle il laisse les deux autres. Sur le plateau, des meubles de cuisine, un semblant de salon, une télé ; et dans un coin, une petite radio d’où s’échappe un débat entre Mitterrand et Chirac, ou de la musique, très fort, trop fort. En signe d’explosion.

Psychopathologie de la vie quotidienne. Incommunicabilité. La charge est par moment excessive en regard de la violence qui déjà s’exerce. Mais l’analyse est fine, comme la mise en scène et l’interprétation. Les trois comédiens, Caroline Breton, Simon Bellouard, et Tonin Palazzotto, relèvent de leur diction et de leur gestuelle, qui parfois emprunte opportunément à la danse, les fragilités du texte. Davantage un texte de plateau qu’un texte de théâtre, pour le metteur en scène, Jean-Pierre Baro, également auteur de la pièce. Avec ses comédiens, il participait pour la deuxième fois au festival pour les jeunes acteurs organisé par le théâtre de l’Odéon et le Jeune Théâtre national (JTN) aux ateliers Berthier, à Paris, du 8 au 17 juin. Il présentait l’Humiliante Histoire de Lucien Petit .

Le festival Berthier est né il y a trois ans pour favoriser l’insertion des jeunes diplômés des écoles supérieures d’art dramatique (le CNSAD, l’École du TNS, l’École de la Comédie de Saint-Étienne, l’Erac, l’École du TNB et l’Epsad). « L’idée, c’était de savoir comment ils travaillaient, et avec qui, deux ou trois ans après leur sortie de l’école » , explique Marc Sussi, directeur du JTN. Et de leur offrir une rampe de lancement dans des conditions optimales : les salles d’une scène nationale, qui prête aussi ses équipes techniques et de communication. Cette année, pas moins de douze pièces étaient programmées. L’occasion de découvrir la jeune création, mais aussi de distinguer les pédagogies des différentes écoles, des tendances, peut-être.

Malgré un côté un peu « entre soi », Berthier’07 a affiché complet, notamment grâce à un système de pass à 5 euros qui donne accès à tous les spectacles. L’aubaine touche à sa fin : le nouveau directeur de l’Odéon, Olivier Py, aurait décidé d’interrompre ce projet pour monter un festival de jeunes talents de plus grande ampleur, ouvert à d’autres écoles et à d’autres expériences. Il faut l’espérer, car le festival Berthier était, paraît-il, le seul tremplin du genre.

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