Courrier des Lecteurs
Chères lectrices et chers lecteurs, cette page vous appartient.
Écrivez-nous à pagecourrier@politis.fr.
La santé d’abord
Ayant subi une intervention chirurgicale de type ambulatoire menée à bien par le CHU Estaing de Clermont-Ferrand. Qu’elle ne furent ma joie et ma satisfaction de réceptionner, 24 heures après ma sortie de l’hôpital, un message téléphonique s’enquérant de ma condition post-chirurgicale… Par ailleurs, je ne peux qu’encenser du fond du cœur toute l’humanité dont a fait preuve tout le personnel médical, malgré la pression budgétaire qui ne laisse aucun répit aux professionnels de la santé publique : plus de 3 milliards d’euros d’économies, près de 25 000 suppressions d’emplois et de 18 000 lits, et ce depuis 2017. La dégradation des conditions des soins et les inégalités territoriales risquent d’être encore aggravées par la mutualisation des services au sein des groupes hospitaliers de territoire qui est programmée, en vertu de la loi santé votée il y a trois ans. Le courage ne va pas manquer au monde hospitalier pour poursuivre sa lutte.
Le Sénat, ce boulet !
6e République, élections législatives à la proportionnelle, instauration d’une parité sociale, vote obligatoire, ce sont là quelques moyens régulièrement envisagés pour revitaliser notre démocratie représentative et redonner goût à la politique aux citoyens. On omet la suppression du Sénat, cette assemblée de « petits marquis », campés sur leurs territoires. La droite y est largement majoritaire avec 60 % des 348 membres.
Une institution peu démocratique, ringarde et inégalitaire : des sénateurs élus par un collège restreint de grands électeurs, un âge moyen de 60 ans, des femmes qui ne pèsent que 36 %, des classes supérieures et des territoires ruraux surreprésentés. Une institution socialement et écologiquement régressive, toujours prête à détricoter les projets de loi gouvernementaux (pourtant pas franchement révolutionnaires) et à élaborer des propositions de loi hautement conservatrices. Vote massif pour la réforme des retraites après l’avoir durcie. Réduction du rôle des comités sociaux et économiques (CSE), principale instance de dialogue entre directions et salariés, en rendant leur consultation non obligatoire pour les entreprises de moins de 250 salariés. Loi Duplomb qui affranchit les agriculteurs de toute contrainte environnementale et rétablit les néocotinoïdes (merci pour les abeilles et le Vivant !). Rejet de la taxe Zucman. Simplification économique qui supprime les normes sociales et écologiques pesant sur la compétitivité des entreprises. Restrictions sur les titres de séjour des travailleurs sans papiers et durcissement des conditions d’accès aux aides sociales des étrangers. Sous le pas pesant du sénateur, l’herbe des saines réformes ne repousse jamais !
Dans les cahiers de doléances issus du Grand débat national, des contributions suggéraient de supprimer le Sénat pour réduire le train de vie de l’État. À l’heure où le gouvernement fait disparaître des agences pour réduire la dépense publique, la question se pose. Puisque nous aimons les comparaisons européennes, seule l’Italie a plus de parlementaires que nous et elle est beaucoup plus décentralisée. Et si une 2e chambre s’avère nécessaire pour raison d’équilibre des pouvoirs, des solutions de remplacement existent : on peut créer une Assemblée de citoyens tirés au sort ; ou rénover le Comité Economique, Social et Environnemental (CESE, 175 membres désignés par 82 organisations de la société civile), cette institution plus jeune (âge moyen : 55 ans) et quasi paritaire (47 % de femmes), en lui ajoutant un rôle législatif. Exigeons la suppression du Sénat !
Quant à l’Assemblée nationale, elle vient scandaleusement de voter un moratoire sur le développement des énergies renouvelables. Vivement des élections législatives anticipées !
Le RN condamne les énergies renouvelables au profit du nucléaire
Alors que les députés du Rassemblement national s’acharnent à bloquer le développement des énergies renouvelables pour promouvoir la relance de la production nucléaire d’électricité, il est bon de rappeler quelques notions de base très simples. Une fois construites, les installations d’énergies renouvelables : éoliennes et solaires fonctionnent sans combustible : le vent et le soleil sont gratuits ; sans produire de chaleur sans produire de déchets. Les centrales nucléaires nécessitent l’extraction de minerai d’uranium ce qui nous rend dépendant d’autres pays (la Russie en particulier). Elles ne peuvent utiliser qu’un tiers de l’énergie produite par la fission de l’uranium ; la chaleur des deux autres tiers est rejetée dans l’environnement (dans l’eau ou dans l’air) et contribue notablement au réchauffement climatique. Les réacteurs atomiques génèrent des déchets nucléaires de très haute dangerosité pour lesquels on ne dispose pas de solution convenable pour les gérer. Tout cela à un coût exorbitant qui risque de ruiner notre pays, et aux dépens des entreprises et des nombreux artisans qui œuvrent localement dans le domaine des renouvelables condamnés à la faillite !
Croire ou chanter Georges Brassens?
Au Paradis, en Enfer ou au Néant ? 93 ans ! Encore un peu de temps, très peu de temps, et je ne serai plus. Plus sur terre, mais peut-être ailleurs ? Mes amis chrétiens m’affirment que je serai en Enfer. Et pas pour peu de temps. Pour l’éternité ! Quel serait, si c’était vrai, mon sort en ce lieu ? La souffrance, la pire des souffrances : brûler en permanence ! Brûler sans se consumer. Et ce, pour toujours. Dans mille milliards de milliards de siècles, la grillade continuera. À croire qu’avec le temps je finirai peut-être par m’habituer à la souffrance et ne plus assumer ma punition. Au fait, punition pour quoi ? Je subirai l’enfer, me dit-on, pour deux raisons : 1 pour ne m’être pas repenti de mes péchés, 2 pour ne pas avoir cru au sauvetage que me proposait la mort du fils de Dieu.
Mes ‘péchés’, entendez mes fautes, mes erreurs, mes mauvaises pensées ou actions, anciennes ou actuelles, les torts que j’ai pu faire à autrui, je m’en repens chaque fois que je prends conscience d’en avoir commis. Je peux dire que la première exigence, je la remplis. Par contre, je m’étrangle sur la seconde : croire. C’est probablement la plus importante des deux conditions à remplir pour éviter l’Enfer. On pourrait même penser qu’elle y suffit à elle seule : Jean (III 16) ne mentionne même pas la première comme nécessaire pour obtenir le salut ; il ne parle que de croire : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle ». Pas question de repentance. À moins que cela aille de soi au point de n’en pas en parler ?
On me dit : pourquoi ne pas faire le choix de la croyance, comme le proposait Pascal ? Il n’y a qu’à croire, comme on prend une assurance ; on ne risque rien et si cette histoire tient debout, on se retrouve au Paradis. La difficulté, c’est qu’il faudrait pouvoir être capable de produire une foi réelle, profonde, sincère, inébranlable, au point que la croyance apparaisse comme l’évidence même. Toute la difficulté est là ! Moi, je n’y parviens pas !
Si cette histoire n’est pas un immense bluff, le croyant va se retrouver au Paradis pour l’éternité ! Après mille milliards de milliards de millénaires, ça ne fera que commencer ! Chants de louanges à Dieu en permanence à en perdre la voix ! Pas de travaux, pas de corvées, pas de distractions, pas de sports, pas de tourisme, pas de découvertes, pas de surprises. Du chant, rien que du chant. Sans finir par s’ennuyer ? Sans que Dieu ne se lasse d’être loué ?
Personnellement, je ne peux que chanter avec Georges Brassens : « Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires » et rejoindre l’Ecclésiaste (IX, 10) lequel affirme qu’ « il n’y a ni œuvre, ni pensée, ni science, ni sagesse dans le séjour des morts », sans oublier le sage du Psaume XIV, verset 1, qui nous est forcément présenté comme ‘insensé‘, lequel « dit en son cœur : il n’y a point de Dieu ».
Fière d'être insoumise
Je réagis au « parti pris » de Pierre Jacquemain (n° 1862), « la meute médiatique ».
Je constate que l’acharnement contre JL Mélenchon ne faiblit pas, je vous avais déjà envoyé un retour sur un entretien en janvier 2024 ; les termes « fonctionnement clanique, souvent violent et antidémocratique » sont particulièrement violents, et contribuent à rejoindre cette meute que vous dénoncez par ailleurs. « Un livre utile » ? Sans doute pour mieux discréditer LFI, tout en précisant que ce sont les « médias » qui pratiquent le LFI-bashing ! Mais pourquoi LFI serait responsable « des accusations graves dont elle fait l’objet » alors que, depuis le 7 octobre 2023, nous, les militants, sommes taxés d’antisémitisme, d’islamo-gauchistes, d’incitation à la haine lorsque nous dénonçons le génocide à Gaza, et personne pour rappeler que la CPI nous a donné raison. Pourquoi LFI serait responsable des divisions de la gauche quand le PS parle d’union sans LFI qui a su insuffler un programme de rupture que tous ces gens de gauche avaient pourtant signé ! Quelle hypocrisie !
Je suis fière d’être insoumise, fidèle au programme du Nouveau Front populaire, à ses idées ; et je me désole chaque jour des appels à l’union de ceux qui pratiquent la désunion !
Réponse à Jean-Pierre Lancry
Jean-Pierre, à la fois tu as raison dans ton analyse de fond et à la fois je pense que nous n’avons pas à répondre à tout ce qui se dit contre Mélenchon. Oui il y a des positions irréconciliables à gauche depuis fort longtemps, cela devrait être l’opportunité pour nous d’arrêter de parler de la gauche et de rappeler des principes qui nous semblent importants sans leur mettre une étiquette
C’est à ce prix qu’on pourra un jour espérer une alliance plus grande susceptible d’être majoritaire
je me propose d’en faire une liste sous peu
Lfi, c'est aussi ses militants
Dans votre page « Agora » du 5 juin, vous passez un très habile courrier en défense éclairée de LFI ; tout blanc ou tout noir, le débat est très mal posé. Au-delà de ce qu’on peut en penser, LFI est un enjeu important pour tous ceux qui ne se résolvent pas à l’arrivée de l’extrême droite et de la droite extrême aux manettes en 2027. Et encore moins face aux enjeux géopolitiques, sociaux, écologiques.
LFI est un enjeu : on ne peut faire abstraction des 10 à 15 % qu’ils pèsent dans l’électorat, de leur implantation, de leur relatif écho en milieu populaire et abstentionniste. Rompre avec les militants de LFI est totalement contreproductif. Ça démultiplie les polémiques relayées par la réaction politico-médiatique et le (petit) groupe dirigeant de LFI hurlera au complot des sociaux-traîtres et ressouderait ses militants au sein de la forteresse assiégée.
LFI est une énigme/ violences verbales, le bruit et la fureur, des expressions volontairement border line, un phénomène de cour, les dirigeants et militants oscillant entre l’admiration du Leader maximo et la peur de déplaire, immédiatement sanctionnée. Le livre la “meute” livre à ce propos des faits malheureusement vérifiés. Même s’il n’est qu’à charge et contribue ainsi “aux deux gauches irréconciliables du macroniste Manuel Valls.
Mais LFI c’est aussi des milliers de militants respectables, parfois unitaires, un institut de la Boétie Faisant un travail très intéressant agrégeant beaucoup de personnalités remarquables, se mobilisant sincèrement.
Et Mélenchon n’est pas antisémite, n’approuve pas le 7 Octobre, ni l’agression de l’Ukraine par la Russie et il a intégré quelques éléments du paradigme écologique (même si… ZFE). Mais pour des raisons d’opportunisme électoral il flatte ce qu’il croit être les réflexes dans les quartiers populaires et chez les “racisés”.
Le parallèle avec Mitterrand est juste : « Ceux qui ne veulent pas détruire le capitalisme n’ont pas leur place au parti socialiste »… et l’austérité en 1983. Mais les autres partis ont beaucoup de défauts, y compris peu démocratiques mais franchement ce sont des amateurs. Alors comment comprendre ces paradoxes ? Enjeux, énigme ? Que faire ? Unitaires pour 12, peu de polémiques publiques contre productives, accueil des “purgés”… et initiatives pour au moins une candidature commune à la présidentielle, seul moyen de battre l’extrême droite. C’est ce que tente de faire Lucie Castets et Marine Tondelier avec l’initiative du 2 juillet, mais aussi les Victoires populaires, le réseau national des collectifs locaux NFP, l’archipel de l’écologie et des solidarités…
À propos de La Meute
L’enquête du livre La Meute a été faite de telle sorte que n’importe quel parti ou mouvement, passé au crible d’une critique « à charge » de même intensité aurait donné un résultat équivalent pour son image de marque. De plus cette intense charge contre Mélenchon censée être le BUZZ de la décennie, même rechargée par la meute elle-même quotidiennement a un peu raté son effet car d’une part certaines de ces dérives avaient déjà été exprimées par des membres de ce mouvement, dont j’étais, dans “l’Appel pour une sixième république dans LFI”, et que les accablants « Compléments d’enquête » sur Chikirou et Mélenchon ont atténué l’effet de buzz.
D’autre part, puisqu’il s’agit de Mélenchon, un homme marqué au fer rouge depuis le départ comme un “monstre cruel, vindicatif et détestable” (grâce à un travail de sape systématique : il suffit d’avoir vu les « Guignols de l’info » dès le départ (dont les vidéos me tétanisaient, moi qui l’appréciait) pour comprendre que l’intelligentsia réactionnaire en avait fait sa tête de turc avec décision de le dégommer. Donc stigmatisé à l’origine de son départ du PS, les dominants n’ont de cesse de le dénigrer faisant feu de tout bois… En attendant de trouver plus définitif ?
Il est évident que sa montée en puissance dans les élections présidentielles fait de lui « l’ennemi public numéro 1 » pour les dominants car il remet en cause le système social et économique. De plus, il a réussi à reconstruire la gauche et a même failli aller au « second tour », après avoir laminé les partis traditionnels de la gauche (voir les résultats du PCF, du PS et des écolos à la dernière élection présidentielle 2022, Jean-Luc Mélenchon : 21,95 %, Yannick Jadot : 4,63 %, Fabien Roussel, 2,28 %, Anne Hidalgo, 1,75 %.)
Alors oui il faut remettre des valeurs dans les agissements de la gauche, mais comment faire ? Les partis de gauche laissent hurler les loups, quand ils ne les accompagnent pas, paniqués de leur perte d’influence et de la progression de LFI… Ils participent même parfois aux aboiements en laissant courir les rumeurs les plus infâmes contre lui et les insoumis sans les atténuer : je n’ai pas entendu grand monde dans ces partis qui ait dit clairement que traiter les insoumis de terroristes, ou d’antisémites était inacceptable, contraire à la réalité et profondément injuste ! Or cela fait plus d’un an et demi que se déchaîne la meute des journalistes, hommes politiques de droite (depuis les « soi-disant » centristes jusqu’à l’extrême droite) jusqu’au président d’honneur de la Licra qui, serein et décontracté, compare « toutes proportions gardées » Mélenchon à Goebbels. Pardon du peu. À ce stade d’ignominie, il aurait carrément pu conclure comme notre charmant chanteur du siècle passé, Enrico Macias : « Il faut dégommer physiquement les insoumis ! » (dans une émission de Pascal Praud).
Il me semble que si JLM était moins soumis à toutes ces attaques des « chiens de garde » et de ses « alliés politiques » il serait peut-être moins farouchement réactif dans ses propos.
Petit rappel : l’attitude quasi unanime de la plupart des journalistes qui l’invitent et enchaînent les questions, laissant comprendre que ses réponses n’ont aucune valeur (mépris évident !), m’évoque l’attitude d’une meute de « chiens de chasse à courre » mordant les jarrets de la proie qu’ils attaquent pour leur « bon maître ». Une moindre agressivité des journalistes et moins de trahison de ses « alliés » politiques, pourraient, peut-être, améliorer l’ambiance. Et la reconstruction de la gauche pourrait alors, peut-être, s’opérer.
On a vraiment l’impression que le PS cherche à refaire l’entourloupe que Mitterrand a pratiquée à l’égard du PCF : le faire disparaître pour devenir LE parti de la gauche. Pour rappel : cette connivence du PS avec la pensée capitaliste a fait confondre PS et gauche. Ce qui a amené la population à conclure que droite et gauche faisaient la même politique et a desservi l’idée même de gauche qui s’est trouvée « affadie », inexistante et dissoute dans les discours ambiants. Lesquels discours qui dissolvent les pensées opposantes dans un « gloubi-boulga » où l’idéologie « libérale » domine avec des narratifs comme « la fluidité » qui remplace le « conflit social » par un « conclave » sur l’âge de départ à la retraite.
Autre rappel : le Danemark vient de voter l’âge de départ à la retraite à 70 ans ! N’est-il pas criant que dès qu’il y a « consensus mou » dans les propos politiques, le résultat est systématiquement la casse du peuple ? Quand on voit le nombre de personnes qui meurent avant 60 ans (et juste après), en France, comment analyser cette loi ? Ne peut-on pas dire que reculer l’âge de la retraite, déjà à 64 ans, est « criminel » ? Qui dans l’Hémicycle a osé cette remarque ? Des insoumis !
Nous sommes dans une guerre des classes et quand on voit la violence faite au peuple et la liberté d’action des mouvements fascistes pour qui la police sert de service d’ordre, ne doit-on pas mettre les arguments « bien-pensants » de côté pour réagir avec énergie contre la violence réactionnaire et la casse du peuple ?
Au cinéma, la tête haute
Le cinéma, c’est-à-dire le 7e art, restera une dimension à part, et pas seulement par son format culturel insoluble. Jean-Luc Godard disait à propos de la toile de cinéma que le personnage naviguant ou figurant à l’écran ne pouvait qu’être surdimensionné par rapport au spectateur, d’où sa magie ! Il poursuivait en considérant que le spectateur garde toute sa dignité à la projection d’un film en salle, car il tient sa tête haute, alors qu’en regardant la télé ou l’ordinateur, il l’incline (sa tête !). Boutade peut-être, mais qui a valeur de méditation à propos de la fascination immuable que suscite le 7e art. Le festival cannois a encore fait la démonstration cette année que les cinéastes préfèrent faire vivre leurs rêves, que rêver leur vie.
Le lobbying des firmes pharmaceutiques auprès des internes
Il y a quelques années de cela le comportement peu déontologique d’une firme pharmaceutique avait été dénoncé. Cette dernière avait, afin de réduire quelque peu la concurrence, offert quelques cadeaux luxueux à des pharmaciens. Ce qui a quelque peu choqué le citoyen lambda, c’était de voir qu’une ministre de l’époque avait bénéficié de ces largesses. De nombreuses voix s’étaient élevées pour demander sa démission, ce qui était tout à fait compréhensible compte tenu du sens des valeurs que cette personne devait incarner.
Certaines personnes ne comprennent pas pourquoi des règles très strictes encadrent de telles pratiques dans le domaine médical. En effet, de nombreux artisans n’ont pas de scrupules pour aller en voyage avec des entreprises qu’ils sollicitent régulièrement pour acheter les matières premières à la base de leur activité (cas des peintres notamment). Dans le domaine médical il est difficile d’accepter cette manière d’agir, car la base du travail des professionnels de santé, ce sont les patients. À ce titre il est impensable de profiter de largesses de laboratoires pour prescrire des molécules pas nécessairement efficaces vis-à-vis de la pathologie du patient.
Des dérives existaient par le passé, et conduisaient des médecins à participer à des voyages à l’étranger, ou à recevoir des cadeaux en marge d’études pas très déontologiques. Actuellement les pouvoirs publics ont condamné fermement ces pratiques, et les visiteurs médicaux que reçoivent les médecins doivent leur apporter une information en toute objectivité. Quelques soirées sont encore organisées avec ces firmes, soirées rythmées par des conférences qui sont validées par des instances très intègres.
Les syndicats des internes se sont épanchés sur l’intérêt de la visite médicale auprès des futurs confrères, et ont été à l’origine d’une interdiction de toute invitation de ces derniers à des congrès ou conférences. De cette manière ils n’avaient pas de possibilité d’être conduits à prescrire certaines molécules proposées par les firmes pharmaceutiques qui les invitaient. On ne peut blâmer ce comportement, même si l’étudiant est le libre arbitre dans le choix des traitements pour les patients qu’il prend en charge (l’étudiant qui a fait plus de 6 ans d’études est arrivé à acquérir une certaine maturité pour avoir un jugement éclairé). Nous devons adhérer à de tels changements très éthiques, changements appliqués également par les membres du Département de Médecine Générale.
Cependant, à ma grande surprise, ma dernière interne m’a interrogé sur le fait qu’elle recevait des messages sur son téléphone d’une entreprise qui vantait l’intérêt de la rencontrer pour sa future installation. Elle a été quelque peu surprise de se voir dans un regroupement WhatsApp concernant les internes, cela d’autant plus qu’elle n’avait pas véritablement donné l’aval pour adhérer à ce principe. D’autres collègues m’ont informé que cette pratique concernait également leurs internes.
Souhaitant faire la lumière sur cette situation que je considère personnellement pas du tout éthique (l’entreprise en question est en fait une structure qui cherche des médecins pour les collectivités moyennant un financement assez conséquent). Très rapidement j’ai téléphoné au syndicat de ces internes qui m’a informé qu’ils avaient un partenariat avec cette entreprise à but lucratif. Mon interlocuteur m’a même expliqué, de manière directe, que même si le jugement pouvait être négatif à ce sujet, travailler avec eux permettait d’obtenir des repas et des week-ends gratuits. D’ailleurs, il ne s’est pas caché du fait que cette entreprise avait eu la possibilité d’approcher les internes le jour de leur intronisation au sein de l’université, avec une participation financière de leur part je pense.
Je reste très surpris par cette attitude que je juge peu conforme aux codes de bonne conduite en tant que professionnel de santé. Nous comprenons facilement que certaines entreprises surfent sur une réalité quelque peu perturbante : celle d’une pénurie de praticiens. Aussi, tenant compte de cette situation, elles tentent de profiter de cette aubaine pour prospérer, et souvent de manière assez florissante. On peut comprendre dans certains cas cette pratique, mais d’une certaine manière avec un accord des instances étatiques comme l’ARS.
Dans ce cas de figure ces structures pourraient avoir comme fonction d’aider les collectivités à trouver des médecins. Cependant nous devons nous rendre à l’évidence les tarifs pratiqués par ces « surfeurs de la vague » restent prohibitifs, et ne sont pas conformes à des pratiques « humanistes ». Seules les communes ayant un budget conséquent peuvent s’offrir les services de ces « chasseurs de têtes ».
En fait, par le biais de cette tribune, je souhaite également m’exprimer sur la situation que nous vivons en tant que médecins généralistes. Dans notre secteur nous devons faire face à une pénurie de professionnels de santé. Cet état de fait a conduit à nous (4 généralistes) organiser pour essayer de pallier ce déficit pour nous partager notre activité professionnelle avec des collectivités n’ayant plus de médecins. Par voie de conséquence notre temps de travail se démultiplie, et nous arrivons à être sur le terrain plus de 80 heures par semaine.
Au-delà de cet investissement, il y a une semaine de cela j’ai vécu des situations qui m’ont bouleversé. Parmi les patients du cabinet éphémère que nous avons créé avec le concours de la CPTS, j’ai reçu 3 patients présentant de réels soucis de santé (ils nécessitaient une prise en charge chirurgicale en urgence). Ces personnes n’avaient pas eu la possibilité de trouver un praticien disponible pour les recevoir depuis 6 mois, ce qui était à l’origine d’un désarroi, mais surtout d’un retard de diagnostic concernant leur pathologie. Ces patients m’ont ému car je me suis dit qu’il est possible, en étant de l’autre côté de la barrière dans quelques années, d’être confronté à la même situation.
Je suis fier d’être médecin généraliste, je fais le maximum dans la mesure de mes disponibilités pour mes patients, car j’ai appris au détour de mes études les valeurs auxquelles ma fonction doit être attachée. C’est la raison qui me pousse à dénoncer des pratiques que je juge non conformes à mes idéaux.