L’administration a lancé une enquête interne. Toute la lumière devra être faite sur ce drame.
Nous apprenons ce 14 juin 2023 à la lecture du Monde qu’aucune « enquête interne » n’a été réalisée. Le secrétaire d’État à la mer, Hervé Berville, a donc menti à la représentation nationale le 17 novembre dernier puisqu’il annonçait qu’une enquête administrative était lancée, en complément de l’enquête judiciaire.
Près d’un an après la mort le 24 novembre 2021 d’au moins vingt-sept personnes tentant de traverser la Manche pour rejoindre l’Angleterre, le ministre réagissait alors à des révélations du Monde accablantes pour les secours français qui ne leur avaient envoyé aucun moyen de sauvetage.
« Le Gouvernement, l’État et l’administration, déclarait-il devant une Assemblée nationale clairsemée, doivent expliquer ce qui s’est passé et en tirer toutes les leçons. » Et se voulait rassurant : « Comptez sur la mobilisation du Gouvernement pour suivre cette affaire avec attention, car chaque vie qui n’a pas été sauvée aurait dû l’être. » Sept mois plus tard, les faits démentent cette compassion feinte.
L’enquête judiciaire qui, elle, a bien été diligentée a conduit à la mise en examen de cinq militaires du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage maritimes et deux membres de l’équipage du Flamant pour « non-assistance à personnes en danger ».
Dans leurs conclusions transmises à la juge d’instruction, les policiers écrivent : « L’existence de cette enquête interne n’a pas été montrée. » La capacité à mentir, dans ce gouvernement a, elle, bien été démontrée.
Heureusement que la présidente de l’Assemblée nationale que je suis ne reçoit aucune pression de l'exécutif.
Yaël Braun-Pivet a nié en bloc sur RTL que l’Élysée soit intervenu pour qu’elle bloque la proposition de loi Liot abrogeant le recul à 64 ans de l’âge légal de départ en retraite : « Jamais ! » Pas même un coup de fil d’Alexis Kohler, devrait-on croire.
Sur le réseau social Twitter, sa proclamation d’indépendance et son affirmation sur l’existence d’une « séparation des pouvoirs », jugées aux mieux risibles, ont suscité de nombreuses réactions ironiques ponctuées d’émoticons et de gifs animés.
Car si plusieurs médias ont un temps affirmé, à l’instar du Monde, qu’elle refusait de prononcer l’irrecevabilité de cette proposition de loi, ce qui contrariait et irritait beaucoup l’exécutif, c’est à Matignon, lors du petit déjeuner hebdomadaire de la majorité présidentielle du 23 mai, qu’elle aurait accepté de mettre son veto à l’abrogation, selon un article de Mediapart mis en ligne le jour même. Le site d’information y détaille « le plan secret du gouvernement » auquel Mme Braun-Pivet s’est ralliée. Et tout s’est déroulé ensuite conformément à ce plan, la présidente de l’Assemblée enfilant le 7 juin les plus grands ciseaux d’Anastasie pour passer à la trappe la plupart des amendements de l’opposition.
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« Vous nous proposez aujourd’hui de creuser la dette sociale à hauteur de 15 milliards d’euros, mettant en péril le système de retraite par répartition si cher aux Français ! »
Quand on veut noyer son chien, on l’accuse de la rage, dit le dicton. La présidente de la commission des Affaires sociales, en proférant ce gros bobard à la tribune du Palais Bourbon pour contester la recevabilité de la proposition de loi du groupe Liot « abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite » s’est contentée de faire la moyenne des estimations fantaisistes que d’autres macronistes avaient avancées dans les médias.
Celles-ci oscillaient de 12 à 18 milliards et nous avions déjà montré l’inanité de ces sommes puisque la Cour des comptes, dans un rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale présenté le 24 mai, note que la réforme des retraites n’aura un effet financier favorable que progressivement, générera un surcoût pour la sécu jusqu’à fin 2024, et ne permettra qu’une économie de 7 milliards d’euros en 2030.
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Inanité également puisque l’article 2 de cette proposition de loi entendait réunir « une conférence de financement », avant le 31 décembre, afin d’« envisager de nouvelles pistes de financement ». La charge qu’aurait créé le maintien à 62 ans de l’âge légal de départ en retraite à partir du 1er septembre (date d’entrée en vigueur de la contre-réforme de Macron) aurait été limitée à quelques mois.
En réponse à Mme Khattabi, le député (Liot) Charles de Courson, rapporteur de la proposition de loi et spécialiste des comptes publics, a rappelé avoir évalué le coût de l’abrogation à « 170 millions net » sur l’année 2023. « Et pour 2024 et les années suivantes, a-t-il ajouté, le coût par rapport au texte promulgué dépendrait des propositions de la conférence de financement. »
Moi je suis constante, je l’ai toujours dit, et depuis que je suis présidente de l’Assemblée nationale, j’applique la règle, rien que la règle.
La présidente de l’Assemblée nationale justifie ainsi l’annonce qu’elle vient de faire, sur la chaîne d’info : elle déclarera irrecevables « dans la journée » les amendements rétablissant l’article 1 de la proposition de loi du groupe Liot abrogeant le report à 64 ans de l’âge de départ en retraite, sur la base de l’article 40 de la Constitution qui interdit aux parlementaires de créer une charge. Ce qu’elle a fait dans la soirée, non sans déclarer également irrecevables des amendements dit d’objectifs qui n’ont pourtant pas de conséquence directe tangible.
Trois exemples actuels au moins illustrent une absence de constance dans l’application de cet article 40 :
- La proposition de loi « pour bâtir la société du bien vieillir » déposée par le groupe Renaissance, et examinée partiellement du 11 au 13 avril, aurait pu être déclarée irrecevable au regard des « dépenses futures » qu’elle engendre. Ces dépenses sont chiffrées pour l’instant par Bertrand Pancher « entre 7 et 8 milliards d’euros » (BFMTV, 18 mai). [Lire : Derrière les retraites, une bataille constitutionnelle]
- Le 9 mai, la proposition de loi visant à « rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies » est rejeté en commission après suppression de son unique article. Il est réintroduit sous forme d’amendement par le camp présidentiel lors de l’examen dans l’hémicycle et n’est pas déclaré irrecevable par la présidence de l’Assemblée bien qu’il représente une charge pour les finances publiques.
- Une proposition de loi relative aux Services express régionaux métropolitains (SERM), portée par les groupes Renaissance et Horizons, arrive en séance le 16 juin. Alors que les projets de SERM vont induire une mobilisation financière importante sur le long terme, le texte ne dit rien de la part consentie par l’État, les collectivités parties prenantes au projet et la Société du Grand Paris, appelé à intervenir dans d’autres régions et métropoles. Mais on y lit que « la charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services ».
Si Yaël Braun-Pivet était aussi constante qu’elle le prétend, cette formule, raillée quand elle gageait la proposition de loi de Liot, devrait motiver son veto au titre de l’article 40. Mais il n’en sera rien.
« On n’interpelle jamais à tort. »
Le préfet de police de Paris, ancien secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, sait pertinemment qu’il profère là un mensonge puisqu’il ajoute aussitôt : « On interpelle des auteurs d’infractions et on a parfois du mal à caractériser cette infraction. » Et c’est bien là que réside le problème.
Il suffit trop souvent d’être là au mauvais endroit, au mauvais moment, pour être embarqué. Comme ces deux mineurs autrichiens de 15 ans en voyage scolaire, dont Libération a raconté la mésaventure. Interpellés dans la soirée du 16 mars alors qu’ils rejoignaient leurs familles d’accueil, placés en garde-à-vue, « ces enfants ont été menottés, insultés, humiliés », selon une témoin, avant d’être libérés le lendemain matin sur intervention de l’ambassade d’Autriche.
Bien d’autres exemples d’interpellations abusives pourraient être citées. Pour preuve le constat dressé par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, après les visites de certains locaux de garde à vue de la capitale les 24 et 25 mars, dans un courrier à Gérald Darmanin : Dominique Simmonot y alerte principalement sur le fait qu’une grande majorité des gardés à vue n’ont commis aucune infraction caractérisée et ont donc été privés de liberté sans raison.
Elle écrit notamment ceci : « Les constats effectués par mes équipes lors des visites des 24 et 25 mars ont révélé que certains agents interpellateurs avaient eu pour « consignes et ordres hiérarchiques d’interpeller sans distinction » toute personne se trouvant dans un secteur ou un autre de la capitale. »
Interpeller « sans distinction », tout le monde en conviendra, ne peut conduire qu’à interpeller à tort.
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« Tous les constitutionnalistes sont d’accord pour dire que cette création de charge financière massive tombe sous le coup de l’article 40. »
Le ministre chargé des Relations avec le Parlement évoquait ici la proposition de loi « abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite », déposée par le groupe Liot et examinée la veille en commission des Affaires sociales, où le camp présidentiel et LR se sont ligués pour vider le texte de sa substance. Non sans en surévaluer outrancièrement la charge financière qu’induirait l’adoption de cette abrogation.
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N’en déplaise à Franck Riester, il est faux de prétendre que « tous les constitutionnalistes » sont d’avis que cette proposition de loi est « anticonstitutionnelle » au sens de l’article 40.
En effet, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste reconnue, contestait (amusée) cette soi-disant anticonstitutionnalité, le 30 mai, sur la même chaîne parlementaire (que le ministre devrait regarder plus souvent). Et elle donnait raison au président de la commission des Finances qui, plus tôt dans la journée, avait jugé cette proposition de loi recevable au terme d’un argumentaire de six pages.
« Éric Coquerel, disait-elle, n’a pas tort de s’appuyer sur la jurisprudence, en tout cas la pratique parlementaire qui fait que sur les propositions de lois on a toujours été très souple. Les présidents d’assemblée, les présidents de commission sont pour permettre à cette initiative parlementaire de se développer. (…) Donc cet article devrait être discuté. »
#Retraites, PPL Liot:
« @ericcoquerel a raison de s’appuyer sur la pratique parlementaire, toujours très souple sur les propositions de lois qui prévoient d’alourdir les dépenses. Donc cet article devrait être discuté », pointe Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste #SensPublic pic.twitter.com/GdKUW1s6tt— Public Sénat (@publicsenat) May 30, 2023
« Ce n’est pas sérieux de vouloir avoir une séance de rattrapage en faisant semblant qu’on pourrait faire une réforme des retraites en quelques heures. »
La première ministre s’exprimait une fois de plus sur la proposition de loi présentée par 20 députés du groupe Liot (et 150 députés des groupes de gauche) que l’on résume un peu vite comme « abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite ». Si c’est l’objet de son article premier, son second article propose « la tenue d’une conférence de financement du système de retraite » avant le 31 décembre 2023.
Cette conférence aurait pour objectif de mener « une vraie concertation » puisqu’y seraient représentés « l’État, les représentants des organisations syndicales de salariés, les représentants des organisations professionnelles d’employeurs, ainsi que des citoyens et des personnalités qualifiées », afin d’« envisager de nouvelles pistes de financement ».
Les porteurs de cette proposition de loi défendent l’idée que « nous ne pouvons plus faire reposer sur les seuls actifs le financement de notre système de retraite » et qu’il faut y faire contribuer le capital dans un souci de solidarité et de justice.
En prétendant que les initiateurs de cette proposition de loi envisageraient de faire « une réforme des retraites en quelques heures » Elisabeth Borne ment donc sciemment pour caricaturer ses opposants.
« Les résultats sont là : pour la quatrième année consécutive, la France est le pays le plus attractif d’Europe. »
L’affirmation est contestée. Si d’après le classement d’un grand cabinet d’audit Ernst & Young la France concentre le plus gros nombre de projets d’investissements étrangers depuis quatre ans, ce résultat ne prend pas en compte l’indice démographique. En proportion par million d’habitants, notre pays se classe 5e derrière l’Irlande, le Portugal, la Belgique et la Finlande.
En montant total des investissements, la France se classe même 7e. Et deux tiers des projets sont de simples extensions de sites existants. Quant à l’industrie, fer de lance des ambitions du président, elle représente 43 % seulement des cas recensés par le baromètre.
Enfin chaque projet d’investissements étrangers crée en moyenne 33 emplois, contre 118 en Allemagne et 379 en Espagne. Comble de l’ironie, les investisseurs étrangers ne sont, en 2023, plus qu’une moitié à penser que l’attractivité du pays va s’améliorer dans les années à venir, contre les trois quarts en 2021.
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« L’État s’est tenu aux côtés de Yannick Morez. »
« Non, Madame la Ministre [déléguée aux Collectivités territoriales], l’Etat ne s’est pas tenu à mes côtés », a répondu le maire démissionnaire de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique) dans un communiqué publié sur sa page Facebook.
Comme il l’annonçait dans ce communiqué, Yannick Morez, a détaillé quelques jours plus tard, à l’occasion d’une audition devant la commission des lois du Sénat et avant d’être reçu par Élisabeth Borne à Matignon, dans quel abandon il a été laissé après l’incendie de ses voitures et de son domicile comme face aux menaces reçues auparavant, par les autorités (préfet, sous-préfet, gendarmerie, procureur de la République).
« Tous les surprofits qui ont été faits par les producteurs d’énergie dans le cadre de la crise, nous les avons repris et réinvestis pour protéger nos concitoyens et les petites entreprises. »
Les transporteurs maritimes, les fournisseurs d’énergie, les entreprises de l’agroalimentaire, profiteurs identifiés de la guerre en Ukraine, se sont-ils vu imposer une taxation sur les surprofits ? Non. Lors de l’examen de la loi de finances, la majorité a même rejeté, sur demande de l’Élysée, un amendement très modéré du Modem en faveur d’une taxe temporaire sur les mégadividendes.
Résultat : le quotidien Les Échos annonce des dividendes record en 2022 ; les dirigeants du CAC 40 gagnent de mieux en mieux leur vie ; le CAC 40 annonce de nouveaux records de profits et de dividendes, compilés dans une note d’analyse de l’Observatoire des multinationales ; et les écarts de salaire dans les 100 plus grandes entreprises françaises n’ont cessé de s’accélérer comme le montre un rapport d’Oxfam.