Youssef Chahine et Mahmoud Darwich

Christophe Kantcheff  • 28 août 2008 abonné·es

Youssef Chahine

Un amoureux de la liberté. Voilà sans doute l’expression qui pourrait caractériser le mieux Youssef Chahine, dont la vie s’est achevée à 82 ans dans la banlieue du Caire, le 27 juillet. Bon vivant avec ses amis, insufflant dans ses films une énergie réjouissante, il fulminait contre tous les abus de pouvoir, contre l’incurie des dirigeants de son propre pays, et s’est particulièrement illustré contre la politique extérieure des États-Unis, lui qui avait fait ses études de cinéma près de Los Angeles (son diminutif était « Joe ») et gardait toute sa tendresse pour la comédie musicale américaine. « L’Occident a une énorme responsabilité dans la violence de l’islamisme » , nous avait-il déclaré en 1995.
La politique entrait aussi dans ses films, sans doute de façon plus explicite dans la deuxième partie de sa filmographie (à partir d’ Adieu Bonaparte, en 1985). Youssef Chahine aura tourné une trentaine de films et plusieurs chefs-d’œuvre, dont Gare centrale (1958), qui a affirmé sa notoriété, superbe mélo social dans lequel il joue le personnage principal, ou la trilogie Alexandrie pourquoi ? (1978), Alexandrie encore et toujours (1990) et Alexandrie New York (2004).

Mahmoud Darwich

Une opération du cœur qui tourne mal, et l’un des poètes arabes les plus traduits dans le monde disparaît. Mahmoud Darwich était né en 1942 à Birwa, près de Saint-Jean-d’Acre, et symbolisait à lui seul un pays, la Palestine, qu’il a chantée dans de multiples poèmes. Mais cette position emblématique lui pesait. « J’aimerais qu’on me libère de cette charge très lourde » , disait-il dans Entretiens sur la poésie, paru en 2006 chez Actes Sud, où la plupart de ses recueils ont été édités. Darwich récusait cette assignation à être un porte-parole, qui réduisait la dimension de son art, pour mieux affirmer l’autonomie de la poésie, où la politique gît dans l’esthétique. Il suffit de lire ses magnifiques recueils, dont le Lit de l’étrangère (2000), Murale (2003), ou Ne t’excuse pas (2006), pour s’en convaincre.

Culture
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