Main basse sur la démocratie

Jacques Boutault  • 14 janvier 2010 abonné·es

Avec la réforme de la Constitution, le président de la République avait déjà considérablement réduit les droits de l’opposition à l’Assemblée. Il a ensuite mis les chaînes publiques sous tutelle en nommant lui-même les présidents de l’audiovisuel public. En supprimant le juge d’instruction, il cherche maintenant à contrôler la justice. Mais il va plus loin. Le nouveau découpage électoral est à ce point favorable à la droite qu’il lui suffira désormais de 48,6 % des suffrages aux législatives pour devenir majoritaire, en députés, à l’Assemblée nationale.

Quant à la réforme des collectivités territoriales, elle a aussi de quoi inquiéter. Que reste-t-il du rapport Balladur, qui proposait de simplifier le « mille-feuille électoral » ? Une réforme du mode de scrutin proprement invraisemblable. Aux régionales qui suivront celles de mars 2010, pour la première fois en France, des élections à un seul tour vont être organisées. Cette réforme menace gravement la représentation politique des femmes. Fini la parité, mais aussi la pluralité et la proportionnelle.
Avec le projet du Grand Paris, l’inquiétude monte encore d’un cran. La méthode est la même. Le Président fait d’abord semblant de consulter dix architectes de renom. Puis, après de belles déclarations, il jette les copies au panier et choisit d’imposer le projet, autoritaire et archaïque, de son ministre Christian Blanc. Élaboré sans aucune concertation, ce projet prévoit la construction d’une boucle de métros souterrains qui, pour 35 milliards d’euros, desservira des zones lointaines et peu habitées de l’Île-de-France. Pour le financer, une loi devrait être présentée à l’Assemblée. Dans un périmètre de 1,5 km autour des gares desservies par cette grande boucle, l’État pourra exproprier pour vendre des terrains aux promoteurs immobiliers, sans que les habitants et élus locaux n’aient leur mot à dire.

Cette recentralisation des pouvoirs entre quelques mains est contestée par tous ceux qui sont attachés à la décentralisation et au respect de la démocratie. L’instant est grave, car c’est à une véritable spoliation démocratique de velours que nous assistons.

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