« Mon seul proxénète : l’État français »

Dans un film de Jean-Michel Carré, des travailleurs du sexe revendiquent leur métier.

Manon Loubet  • 4 février 2010 abonné·es

«À quelque niveau que ce soit, tout le monde se vend, se prostitue d’une façon ou d’une autre », affirme Sofia, une juriste prostituée. La jeune femme ne comprend pas pourquoi « le sexe et sa marchandisation sont tellement stigmatisés dans une société où tout se vend et tout s’achète sous les auspices gracieux des lois du marché ».

À travers une dizaine de portraits mêlant prostituées, gigolos et transsexuels, le film l es Travailleu(r)ses du sexe (et fières de l’être) de Jean-Michel Carré, en salles depuis hier, agite des questions de fond qui interrogent en premier lieu la sexualité, mais aussi les rapports hommes/femmes, le pouvoir, l’argent, la séduction, la définition d’un travail… Oubliant tous les clichés figés et l’aspect moraliste sur la prostitution, le cinéaste expose un débat sur « le plus vieux métier du monde », le considérant comme un fait de société à part entière.

Sur fond de loi Sarkozy votée en 2003 pour interdire le racolage des prostituées, ces hommes et femmes revendiquent haut et fort la volonté de pouvoir louer librement leur corps, et réclament que leur métier soit considéré comme un autre, avec ses droits et ses devoirs. « Dans le système abolitionniste de la France, les prostituées peuvent exister, mais n’ont aucun droit et doivent payer des impôts. Pourtant, nous sommes des travailleuses sexuelles », s’indigne Sonia, qui arbore le slogan « Mon seul proxénète : l’État français » sur une pancarte jaune.

Les prostituées défendent leur travail en insistant avant tout sur son utilité sociale. Quand Sonia provoque en affirmant qu’elle est « une assistante sociale avec le sperme en plus » , Pascale livre avec chaleur son émotion quand certains hommes « ne viennent que pour tenir la main d’une femme, en respirer l’odeur, se confier et sentir son épaule ».

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