La passion de peindre

Christophe Kantcheff  • 21 octobre 2010 abonné·es

Autant le dire d’emblée, le 
Songe de la lumière
, ­troisième long métrage du trop rare Victor Erice,
ne montre quasiment rien ­d’autre qu’un homme – le peintre Antonio Lopez – qui peint ou qui dessine. Et c’est là le prodige : avec ce fil ténu, le film est passionnant de bout en bout. Ténu ? ­Pénétrer le mystère de la création n’est pas un mince sujet, et il hante la plupart des artistes. Mais le Songe de la lumière n’affiche pas de telles ambitions, évitant ainsi l’esprit de ­sérieux et la prétention.

Ce que le Songe de la lumière met d’abord en évidence, c’est la matérialité de l’acte de peindre, et le travail qu’il constitue. Antonio Lopez a décidé de représenter le cognassier qu’il a planté dans son jardin il y a quelques années, alors que les fruits arrivent à maturité et que la cime de l’arbre est ­illuminée quelques heures par jour par le soleil, lumière que le peintre souhaite aussi saisir dans son tableau. Mais les fortes pluies automnales qui s’abattent sur Madrid contrarient son projet.

On voit Antonio Lopez tenter par tous les moyens de peindre sous la pluie, les pieds dans l’eau, comme imbriqué lui-même dans l’arbre, « acteur » plus que « spectateur ». Ce n’est pas de la rage inspirée mais une opiniâtreté existentielle. Antonio ­Lopez brûle d’une passion sans lyrisme, mais humblement dévorante, que l’on sent également dans les conversations qu’il a notamment avec un ami ­peintre qui lui rend visite. Le Songe de la lumière est une initiative commune du cinéaste et du peintre, que l’on retrouve en conversation dans l’un des suppléments. Tout respire ici l’intelligence et le ­talent.

Culture
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