PMI en danger

En raison d’un désengagement de l’État, nombre de départements ne respectent plus la loi sur la protection maternelle et infantile.

Ingrid Merckx  • 24 novembre 2011 abonné·es

C’est une obligation légale : selon un décret du 6 août 1992, « chaque service départemental de PMI doit disposer d’un poste de sage-femme à plein-temps pour 1 500 naissances, d’un poste à plein-temps de puéricultrice pour 250 naissances ». Il doit aussi organiser « chaque semaine au moins seize demi-journées de consultations prénatales et de planification ou éducation familiale pour 100 000 habitants… » Quels départements peuvent encore se targuer de respecter ces chiffres ?

Les collectivités locales sont financièrement étranglées. « Certains départements réduisent ou suppriment des services de PMI au prétexte que les gens n’ont qu’à aller à l’hôpital ou chez le médecin, et que les populations défavorisées bénéficient de la couverture maladie universelle ou de l’aide médicale d’État », a alerté Pierre Suesser, président du syndicat des médecins de PMI, lors d’une réunion organisée à la Confédération syndicale des familles (CSF) à Paris le 17 novembre.

Les hôpitaux sont engorgés et il devient difficile de trouver des spécialistes dans certains endroits. Pas de gynécologue hors secteur 2 en région parisienne, par exemple (67 euros la consultation), et de gros délais d’attente. Les services de PMI, créés en 1945, gratuits et présents dans chaque quartier, couvrent en principe un champ très large : consultations médicales (pour les mères et les enfants jusqu’à 6 ans), visites à domicile, bilans de santé en école maternelle, actions médico-sociales de soutien aux familles, planification et éducation familiale, prévention et prise en charge des mineurs en danger, contrôle et agrément des modes d’accueil de la petite enfance… Comment comprendre cet abandon de la PMI à l’heure où l’accès aux soins recule et où la précarité sociale augmente ?

En 2006, 48 % des départements étaient déjà en dessous des normes en termes de consultation, et 28 % en dessous du nombre réglementaire de sages-femmes, d’après un rapport de l’Igas. « La situation a empiré ! » , avertissent les professionnels, sans pouvoir chiffrer : les services qui gèrent les PMI seraient parmi les plus mal contrôlés.

La rallonge budgétaire votée par l’État en 2007 aurait à peine été versée en 2011. En outre, la PMI manque de sages-femmes et de médecins. Il n’y a eu dans la Fonction publique territoriale que deux concours de sages-femmes en dix ans, et les médecins sont moins bien rémunérés en PMI qu’à l’hôpital. Résultat : des déserts apparaissent, des PMI sont regroupées, et d’autres doivent se recentrer sur les situations préoccupantes, en particulier la protection de l’enfance.

« En regroupant des petits centres, on éloigne les services des quartiers : la PMI perd son rôle de proximité et de suivi personnalisé , prévient Pierre Suesser. En Seine-Saint-Denis, la PMI, tout le monde connaît, et 70 % des enfants y passent. Mais pour combien de temps encore ? »
Autre risque : le recentrage des activités sur la protection de l’enfance pourrait entraîner un changement de regard : « Certaines personnes deviendront méfiantes… » Or, « la PMI ne s’adresse pas uniquement aux familles en difficulté » , ont martelé l’ensemble des professionnels présents à la réunion. Accompagnement à l’allaitement, dépistage de dépressions du post-partum, alphabétisation, groupes sur la nutrition, prévention des cancers… Ces activités risquent de disparaître. Motif ? « La PMI n’est pas rentable , tranche Didier Bourgoin, secrétaire général du syndicat des agents territoriaux en Seine-Saint-Denis (SDU-FSU). Même si certains opérateurs mettraient bien la main sur le marché… »

Quatorze organisations – syndicats, associations de familles, professionnels de la petite enfance – se sont fédérées pour interpeller les candidats à la présidentielle. Quel avenir pour la PMI et pour la politique familiale ?

Société Santé
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