Rigueur budgétaire à marche forcée

L’accord franco-allemand ne s’attaque pas aux racines de la crise. La finance est épargnée.

Thierry Brun  • 8 décembre 2011 abonné·es

Après le feu vert du Parlement européen à la réforme de la zone euro en septembre, Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande, Angela Merkel, ont conclu un accord de révision du traité de l’Union européenne dont l’objectif est d’inscrire les politiques d’austérité dans les constitutions des États membres de l’UE. Le couple franco-allemand veut ainsi imposer, « à marche forcée pour rétablir la confiance », comme l’a indiqué Nicolas Sarkozy, une mise sous tutelle des pays de la zone euro : le nouveau traité devrait entrer en vigueur dès le mois de mars, avant les élections présidentielle et législatives en France.
Les contours de la nouvelle gouvernance économique de la zone euro ne concernent pas la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci ne sera pas autorisée à émettre des obligations européennes et à racheter la dette à bas taux sur les marchés pour désamorcer la spéculation sur la dette des États membres. Seul un mécanisme européen de stabilité (MES), successeur du Fonds européen de stabilité financière (FESF), qui sera créé dès 2012, pourra débloquer des fonds pour les États en difficulté.

Il s’agit donc d’une conception très libérale, reposant sur le renforcement du Pacte européen de stabilité, qui est l’instrument de coordination des politiques budgétaires nationales. Le nouveau dispositif viendra compléter les six directives européennes du « paquet gouvernance économique », qui visent à interdire les déficits publics excessifs. « L’Europe se prive définitivement de politique budgétaire parce que les États membres ne pourront plus disposer de leur budget à leur guise. L’absence d’euro-obligations ne permettra pas de financer le budget communautaire. Et l’Europe s’ampute d’une partie de la politique monétaire en refusant à la BCE de monétiser les dettes publiques. On s’en remet à l’ordre spontané du marché pour régler les crises. Ce n’est rien d’autre que le respect de l’ordolibéralisme [^2] de la droite allemande », réagit l’économiste et député européen socialiste Liêm Hoang-Ngoc.

Les 17 pays membres de la zone euro, auxquels pourront se joindre des États volontaires parmi les Vingt-Sept, feront l’objet de « sanctions automatiques » en cas de déficit public annuel dépassant les 3 % du produit intérieur brut, critère qui a été établi lors du traité de Maastricht en 1992. Les deux premières économies européennes veulent aussi instaurer une « règle d’or [de retour à l’équilibre budgétaire] renforcée et harmonisée au niveau européen » . Les Dix-Sept devront également se doter d’une disposition constitutionnelle de retour à l’équilibre, vœu déjà formulé par le couple Merkel-Sarkozy le 16 août. La Cour de justice européenne devra vérifier la « conformité » des règles d’or avec l’engagement de retour à l’équilibre budgétaire. Le gouvernement français a cependant provisoirement renoncé à modifier la Constitution pour y ajouter la règle d’or, le Congrès (Assemblée nationale et Sénat) ne disposant pas de la majorité des trois cinquièmes requise.

Pour verrouiller la discipline budgétaire des États membres, Paris et Berlin exigent qu’une réunion des chefs d’État et de gouvernement, constituant le gouvernement économique de la zone euro, se tienne « tous les mois, tant que la crise durera » .

De leur côté, les marchés financiers pourront défier en toute tranquillité les États membres sur leur capacité à honorer leurs dettes souveraines. Standard & Poor’s vient de donner le ton en plaçant 15 pays de la zone euro, dont l’Allemagne et la France, sous surveillance, « avec perspective négative ». De quoi faire grimper les taux d’intérêt sur les marchés !

[^2]: Courant libéral apparu en Allemagne dans les années 1930.

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