Quelle taxe pour sortir de la crise ?

Dominique Plihon  • 15 mars 2012 abonné·es

Avec la crise, la taxe Tobin est de retour ! Pour Nicolas Sarkozy, il ne s’agit que d’un gadget électoral. La taxe proposée par le président-candidat ne s’applique qu’aux actions des grandes sociétés. En fait, cette taxe remplace, avec des taux plus faibles et une assiette plus étroite, l’impôt de bourse supprimé en 2008 par le même Sarkozy. Elle n’aura aucun effet sur la spéculation et ne rapportera à l’État qu’un milliard d’euros. Mais il y a des raisons de penser que la taxation des transactions financières (TTF) est en bonne voie dans l’Union européenne (UE). Farouchement opposée jusqu’ici à une telle mesure, au motif qu’elle nuirait à la libre circulation des capitaux, la Commission européenne a présenté une directive sur la TTF en septembre 2011. Il s’agirait de taxer l’ensemble des opérations boursières sur les titres (actions et obligations), et sur les produits dérivés (marchés à terme, options), avec des taux assez élevés (de 0,1 % à 0,05 %), voisins de ceux proposés par Tobin. Mais, à la différence de l’économiste américain, la taxe de la Commission européenne ne frapperait pas les transactions de change entre les monnaies.

Malgré cette limite importante, ce projet pourrait marquer une avancée importante dans le contexte actuel. Certes, le Royaume-Uni est opposé à la TTF car celle-ci réduirait l’activité de la place de Londres. Mais quatre grands pays de l’UE – Allemagne, France, Italie, Espagne – ont indiqué qu’ils étaient favorables à une TTF à l’échelle européenne. Ces pays pourraient décider de mettre en œuvre une « coopération renforcée » sur la TTF, sans que la règle de l’unanimité ne s’applique. Une telle décision aurait plusieurs effets positifs. D’abord, elle permettrait de lutter contre la spéculation. Ce serait également un moyen de collecter des ressources publiques – estimées à environ 60 milliards d’euros – dont une partie pourrait abonder un budget communautaire ridiculement faible (moins de 1 % du PIB des pays de l’UE). Demain, une TTF, portant également sur les transactions de change, pourrait être complétée par une fiscalité écologique (taxe carbone), ce qui augmenterait fortement les ressources communautaires.

Ces ressources pourront contribuer au financement de politiques publiques à l’échelle européenne. Des programmes d’investissements publics pourront être lancés dans les domaines stratégiques pour la transition écologique, tels les transports et les énergies alternatives. En soutenant l’activité économique, ces dépenses publiques permettront de lutter contre la récession et le chômage qui frappent l’Europe. Au-delà de ses effets économiques, la TTF pourrait contribuer à une relance de la construction européenne. En effet, l’amorce d’une fiscalité commune serait un facteur de rééquilibrage de l’édifice européen reposant principalement sur la monnaie unique. Ainsi, en s’appuyant sur la taxation financière, bientôt complétée par une fiscalité écologique, les pays européens pourront définir des politiques communes qui tourneront le dos aux politiques d’austérité récessives et antisociales menées depuis le début de la crise. Il faut nous battre pour l’application de la TTF dans l’UE !

Temps de lecture : 3 minutes