Paris fête Camarón

Le cirque Romanès rend hommage le 14 avril à l’icône
du chant flamenco.

Jérémie Sieffert  • 12 avril 2012 abonné·es

«Hasta siempre, Camarón. » C’est par ces mots que Jean-Pierre Filiu achève une biographie de l’artiste parue en 2010 [^2]. Le spécialiste du Proche-Orient, authentique aficionado, pèse ses mots. Car il y a du Che Guevara, tout comme du Jimi Hendrix, chez ce chanteur hors pair qui a électrisé l’afición mondiale jusqu’en Amérique du Sud et au Japon. José Monje Cruz, surnommé Camarón de la Isla, la « crevette », en raison de sa silhouette menue, partage avec ces deux autres révolutionnaires une vie à combustion rapide et le statut d’icône d’une génération. Celle de la fin du franquisme, de la découverte du rock mais aussi des drogues.

Depuis sa disparition il y a vingt ans, en 1992, et ses funérailles nationales en Espagne, pas un jour ne se passe sans qu’un enfant ne fredonne l’un de ses tubes, qu’un artiste ne lui rende hommage ou qu’un gitan ne dépose un lys ou un laurier sur son mausolée, dans sa ville natale de San Fernando, près de Cadix. « Il suffisait de l’entendre pour savoir que c’était un génie. Sa voix évoquait à elle seule le désespoir de tout un peuple », déclare Paco de Lucia, dieu vivant de la guitare flamenca et binôme du cantaor pendant près de dix ans. « C’était la pureté d’un diamant brut, à des années-lumière d’avance sur sa génération », affirme un gitan de Jerez qui l’a bien connu.

En cette date anniversaire, le petit milieu du flamenco et des gitans de Paris s’apprête ce week-end à célébrer l’artiste lors d’un spectacle unique sous le chapiteau du cirque Romanès. Une soirée qui réunira deux traditions gitanes de France : la poésie des circassiens d’Alexandre et Delia Romanès, qui ont tout de suite adhéré au projet d’hommage de l’association Casa Planète, et le feu des ­flamencos Alberto García, Cristo Cortés et Mencho Campos. Trois chanteurs d’exception, tous biberonnés à la voix de la légende, emmenés par la guitare de Daniel Manzanas et qui porteront les danses des jeunes Alejandra Hernandez et Carlos Ruiz.

Ce n’est pas un hasard si Paris est la première ville à fêter cette année la mémoire de Camarón. Car si San Fernando fut la ville de ses débuts et Madrid celle de ses premiers grands succès, c’est la capitale française qui restera dans le souvenir de tous comme celle de son apothéose artistique. En mai 1987 puis en mars 1988, l’artiste donne au Cirque d’hiver une série de concerts considérés comme historiques [^3]. Libération célèbre alors « le monstre du chant flamenco » et lui consacre même sa une en pleine campagne présidentielle.

En mai 1989, pour le Grand Rex, c’est le Monde qui écrit : « Camarón est l’idole d’une jeunesse qui a failli ignorer le flamenco. » Gageons que cette « jeunesse » de l’époque et le public parisien, toujours bienveillant à l’égard des flamencos, sauront honorer de leur présence le souvenir de cette « révolution du flamenco » que fut Camarón de la Isla.

[^2]: Camarón, la révolution du flamenco, Jean-Pierre Filiu, les Mille et Une Nuits, 2010.

[^3]: CD : Camarón con Tomatito, París, 1987, Universal Espagne, 2002. DVD : Camarón, París 87/88, Universal Music France, 2004.

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