« Un monde d’avance » recule

Réunis ce week-end, les militants du courant dirigé par Benoît Hamon expriment leurs doutes sur la stratégie du mouvement de ne pas présenter de motion au congrès du PS.

Pauline Graulle  • 27 septembre 2012 abonné·es

Promis, la « disparition » du courant n’est pas en vue. Le serment de Guillaume Balas, secrétaire général d’Un monde d’avance (UMA), se voulait solennel. Manière de rassurer les 600 militants qui lui faisaient face lors de cette réunion à huis clos consacrée à l’avenir du courant. Et pour cause : quatre ans après la naissance d’UMA au congrès de Reims, la décision de la direction de ne pas présenter de motion au prochain congrès du PS a fait l’effet d’une bombe. Non seulement les militants se voient obligés de voter la motion Aubry-Ayrault (motion 1), alors que tous critiquent vertement la politique menée par le gouvernement – expulsion de Roms, recul sur le vote des étrangers et, surtout, ratification du traité budgétaire européen. Mais la renonciation à la motion a eu pour autre effet le départ des proches de la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann. Ils ont déposé leur motion (la 3), et formeront un courant concurrent à UMA, qu’ils comptent bien doubler sur sa gauche.

Point d’orgue de l’université de rentrée du courant, organisée vendredi et samedi à Paris, la réunion interne avait donc des allures d’exercice de pédagogie de l’orientation choisie. À la tribune, Benoît Hamon, fondateur du courant devenu ministre, Razzy Hammadi, représentant de la jeune garde des députés d’UMA, ou Pascal Cherki, député-maire du XIV e arrondissement. Ne manquait que la figure historique du courant, Henri Emmanuelli, excusé pour cause de… foire au foie gras. Tous ont entonné le même refrain : minimisation de l’importance du congrès à venir, promesse d’élaboration d’une stratégie pour peser en interne sur le gouvernement, constat d’absence d’une politique alternative « globale » permettant d’aller jusqu’à la motion… « En 2008, on voulait propager la dissidence, mais, aujourd’hui, ce qu’on dit n’est plus hérétique », justifie en aparté Benoît Hamon, pourtant isolé dans un gouvernement inflexible sur le traité européen et soutenant un ministre de l’Intérieur très droitier. « On estime que 15 à 20 % des militants vont partir, mais, en politique, il faut acter les divergences », avance quant à lui Pascal Cherki. Un discours qui a du mal à passer chez la base militante, alors qu’UMA est pris entre deux feux : le risque de dissolution dans la ligne majoritaire et le risque de division. « Encore une fois, la vraie gauche va éclater, ce n’est pas une bonne stratégie », déplore Fabien*, étudiant. Yseline, 19 ans, un temps favorable au dépôt d’une motion avant de se raviser, reconnaît que « deux motions différentes pour des gens qui pensent pareil peut être difficile à comprendre », et formule « l’utopie » que les deux courants se retrouveront après le congrès.

Joseph, « 42 ans de maison », ne se fait guère d’illusions : « Dans deux mois, Un monde d’avance, c’est fini ! La moitié des militants dans cette salle voteront pour la motion 3 et, au final, c’est Emmanuel Maurel [vice-président de la Région Île-de-France et premier signataire de la motion, NDLR] qui prendra la tête de la gauche du PS et, à terme, la place de numéro 2 du parti. » Un scénario possible, si toutefois la motion 3 parvient à rassembler suffisamment de voix au congrès. Ce dont doutent, autant qu’ils le redoutent, les dirigeants d’UMA : « Si la motion 3 fait 5 %, les signataires prennent le risque d’être marginalisés, tandis que notre choix de ne pas déposer de motion nous assure des places au conseil national, et donc la possibilité de peser », estime l’eurodéputé Liêm Hoang-Ngoc, loin de trouver infamante la perspective qu’UMA devienne un courant à l’image des « fabiusiens ou des strauss-kahniens ».

Et l’économiste d’estimer que l’avenir donnera raison à la stratégie « douce » : « Aujourd’hui, l’objectif de ramener le déficit à 3 % en 2013 est irréaliste. Le gouvernement sera obligé de se rendre à l’évidence qu’un tournant de la relance se prépare. Alors nous serons là pour l’orienter, pas besoin de le braquer tout de suite. » S’en remettre aux aléas de l’économie plutôt qu’au rapport de force politique pour enclencher « le tournant de la relance » … UMA aurait-il déjà rendu ses armes de contre-pouvoir ? Quelques minutes plus tôt, lors d’une plénière consacrée à la crise économique, Laurent Mauduit, journaliste à Mediapart, faisait huer Manuel Valls, et un « économiste atterré » comparait le traité européen au traité de Versailles. Un groupe de jeunes socialistes avait aussi entonné vaillamment « la Jeune Garde » : « Nous sommes les enfants de Lénine et de Jaurès ! Prenez garde ! C’est la lutte finale qui commence, c’est la révolution qui s’avance… » Ce week-end, malgré les applaudissements de la salle, on en était loin.

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