Dialogue social : la méthode Radiall

Le groupe dirigé par Pierre Gattaz a longtemps empêché le développement des syndicats en son sein.

Maxence Kagni  • 27 juin 2013 abonné·es

Lors des dernières semaines de campagne pour la conquête du Medef, Pierre Gattaz n’a cessé de mettre en avant la gestion sociale de Radiall, son groupe familial. « Le dialogue social, je le revendique, fortement, hautement, au niveau du terrain en priorité. » À l’entendre, l’homme serait un fervent partisan de la négociation dans l’entreprise, « une clé de la réussite » pour le groupe qu’il dirige depuis 1992. En quelques années, Radiall est devenu leader mondial dans deux secteurs de composants électroniques de haute technologie et emploie 2 500 personnes, dont la moitié dans ses cinq usines françaises. La réalité est cependant bien moins glorieuse. Des syndicats reprochent ses méthodes à la direction, loin de favoriser le dialogue social dont Pierre Gattaz se prétend le défenseur. « Pendant longtemps, il n’y a pas eu de syndicats ici, assure Julien Foucreau, délégué syndical SUD dans l’usine Radiall de Château-Renault (Indre-et-Loire). La direction discutait avec la Confédération autonome du travail (CAT), qui, avant 2011, n’était composée que d’une personne. Elle ne faisait rien, si ce n’est signer des accords. » Julien Gonthier, coordinateur national de Solidaires Industrie (qui regroupe les syndicats SUD), est plus explicite : pour lui, la CAT est un « syndicat jaune ». La création de nouveaux syndicats n’a pas été une sinécure, notamment pour SUD, qui s’est implanté sur le site de Château-Renault en 2011. « La direction a poussé la CAT à nous contrer », témoigne Julien Foucreau. Des mails anonymes ont même été reçus par des salariés, assurant que SUD était un « danger » pour l’entreprise. « Par ailleurs, la direction n’a pas respecté certains droits syndicaux et elle a aussi rendu difficile l’obtention d’un local », ajoute Julien Gonthier. Conséquence, la CAT remporte les élections professionnelles de 2011 avec 47,8 % des voix.

Les méthodes employées dans le groupe ont profondément marqué les salariés : « Pendant une quinzaine d’années, les revendications ont été portées par le syndicat autonome, et les salariés avaient ancré cette manière de fonctionner dans leurs esprits », explique Guy Manin, représentant du personnel CGT à l’usine de Voreppe (Isère). Ce dernier tient cependant à nuancer les critiques : Radiall est une entreprise « tout à fait honorable ». Signe que les relations sociales changent, les élections professionnelles, en mai dernier, ont bouleversé la représentation syndicale. SUD a obtenu 46,4 % des voix, surpassant la CGT (21,1 %), la CFDT et l’ex-CAT, qui a abandonné son nom pour créer l’Unsa et gommer « une image trop dégradée », explique le coordinateur national de Solidaires Industrie. Le syndicaliste Julien Foucreau reconnaît que le dialogue social existe, même si certaines discussions restent tendues. Cependant, il pointe d’autres problèmes. Les conditions de travail se détériorent et Pierre Gattaz n’a pas créé autant d’emplois en France qu’il le prétend : «   Il assure en avoir créé 500 depuis son arrivée en 1992. Mais il oublie de dire qu’au niveau national nous sommes aussi nombreux qu’en 1994 et que nous avons perdu 200 emplois depuis l’an 2000 ». Le patron des patrons devra désormais composer avec des syndicats plus revendicatifs.

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