La République bafouée

Le bijoutier de Nice, les propos anti-Roms, les salles d’audience délocalisées : voici trois glissements simultanés de l’État de droit.

Ingrid Merckx  • 26 septembre 2013
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Du goudron et des plumes. Ce châtiment féodal avait ceci pour lui qu’il ne constituait « qu’une » humiliation opérée par une foule vengeresse sur un renégat sans foi ni loi : c’est toujours mieux qu’une exécution. C’était avant le droit. Ce qui fait passer du Far West à la civilisation, c’est tout cet appareil que la France s’est constitué depuis la Révolution et qui garantit des droits même au pire des criminels. C’est parfois dur à admettre, surtout pour les victimes, mais c’est aussi ce qui fait qu’on ne sombre pas dans une société où chacun défend sa propre idée de la justice. Nombreux sont ceux qui « comprennent » le bijoutier de Nice ayant abattu son braqueur, à commencer par les 1,6 million de personnes supposées le soutenir sur les réseaux sociaux. Mais de légitime défense il n’y avait pas. En tirant dans le dos du fuyard, le bijoutier-victime s’est commué en criminel. Et cela, les représentants de l’État ne peuvent le défendre sans bafouer les principes mêmes qu’ils s’engagent à garantir.
Ce n’est pas la foule – vengeresse ou compréhensive – qui est en cause, mais bien ces élus censés rappeler que le droit vient au-devant des réactions d’émotion. Sinon, c’est la porte ouverte à toutes les dérives : que penser de ces élus décomplexés qui couvrent les citoyens voulant se débarrasser des Roms ? Alors que c’est la société qui est défaillante si des populations vivent dans la misère sur son territoire. Et que penser de ce ministère qui maintient l’ouverture de tribunaux d’exception pour les étrangers au motif que la décision a été prise par le précédent gouvernement et qu’ils permettront des économies ? Le bijoutier de Nice, les propos anti-Roms, les salles d’audience délocalisées : voici trois glissements simultanés de l’État de droit.

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