Pierre Larrouturou : « Il faut un changement radical »

Cofondateur du Collectif Roosevelt, Pierre Larrouturou a lancé le 28 novembre le mouvement Nouvelle Donne. Son propos : déconstruire le mythe de la croissance pour sortir de la crise.

Ingrid Merckx  • 5 décembre 2013 abonné·es

Il reste six mois d’ici aux élections européennes. C’est le temps qu’il faut à Nouvelle Donne ^2 pour fignoler ses statuts et parfaire son programme, notamment en matière d’éducation, de droits de l’homme et d’immigration. D’ici là, les membres de ce nouveau mouvement, créé par Pierre Larrouturou, porteront ensemble vingt propositions emblématiques. En avril, ils désigneront des candidats pour Bruxelles et Strasbourg.

Vous aviez déjà lancé Nouvelle Donne en 2001. Quel est le nouveau pari ?

Pierre Larrouturou : Nouvelle Donne porte les idées que nous défendons depuis vingt ans contre le mythe de la croissance et pour la semaine de quatre jours. Nous avons besoin d’un changement radical. La France compte 5 millions de chômeurs, 9 millions de pauvres, et une partie de l’opinion se résigne à ce que le FN devienne la première force politique. La France n’a jamais été aussi riche, le problème est d’abord un problème de partage. Il y a des mesures d’urgence à prendre. Par exemple, la séparation entre les banques de dépôts et les banques d’affaires est devenue vitale.

Est-ce la révolte qui vous anime ?

Depuis un an, nous sommes allés quinze fois à l’Élysée et autant à Matignon. Nous étions tous les mardis devant l’Assemblée pendant six semaines. Personne ne nous dit que nous sommes des utopistes. Même le Premier ministre, en petit comité, est d’accord avec nous : compter sur le retour de la croissance est illusoire. Mais rien ne bouge. Nous allons donc nous adresser directement aux citoyens et nous présenter aux élections européennes. Parmi nos propositions, certaines peuvent prendre un an, comme négocier un impôt européen sur les dividendes. D’autres peuvent être mises en œuvre rapidement : utiliser les 34 milliards du Fonds de réserve des retraites pour créer des logements ; ou décider, par décret, d’un système contre les licenciements, comme au Canada, où, quand une entreprise a 20 % de salariés en trop, elle garde tout le monde, baisse le temps de travail, et l’État et l’Unedic maintiennent les revenus à 95 %.

Vous avez été membre du PS et d’EELV. Comment se positionne Nouvelle Donne ?

Avec Stéphane Hessel, nous avions quitté le PS en même temps pour rejoindre EELV. Puis on s’est rendu compte que, pour quelques postes aux législatives, ce parti renonçait à des pratiques démocratiques innovantes et à un discours clair sur les limites de la croissance. Nous avons créé le Collectif Roosevelt début 2012 parce que nous voulions que la gauche gagne mais trouvions faible le programme du PS. Nous espérions 3 000 signatures, nous en sommes à 109 000 en France, et il y a des collectifs Roosevelt en Belgique, en Espagne, au Portugal, en Grèce… En novembre 2012, nous sommes retournés au PS pour le réveiller puisqu’il était majoritaire à l’Assemblée. Harlem Désir nous a promis des états généraux de l’emploi et du climat. Trois mois de travail étaient prévus. On n’a même pas eu trois heures de débat ! Ce parti se résigne à gérer l’effondrement de la société.

L’idée de ce mouvement vient-elle des adhérents du Collectif Roosevelt ?

À chaque débat, des citoyens nous demandaient : « Pourquoi ne pas créer une nouvelle force politique ? » Le Collectif Roosevelt continue son action. Nouvelle Donne est une structure distincte qui rassemble des gens qui ne s’étaient jamais engagés, mais aussi des militants venus du Front de gauche, du PS, d’EELV…

Comment comptez-vous « faire de la politique autrement » ?

La qualité des fondateurs compte : Dominique Méda, Susan George, Jean Gadrey, Patrick Pelloux, Cynthia Fleury, Bruno Gaccio… Nous ne faisons pas de la politique pour faire carrière, notre engagement parle pour nous. On se donne six mois pour établir des statuts comprenant notamment le non-cumul en interne et le respect des minorités. Point important, nous allons tous faire campagne pour défendre nos vingt propositions. Et c’est seulement en avril que nous demanderons à tel ou telle d’être candidats pour porter nos idées à Bruxelles et à Strasbourg. Quels sont les piliers de Nouvelle Donne ? Montrer qu’on peut sortir de la crise et changer l’Europe. Pour cela, il faut déconstruire le mythe de la croissance. Le levier le plus puissant pour créer rapidement un million d’emplois, c’est la réduction du temps de travail. Mais avec une méthode différente des 35 heures : négocier d’abord une mesure bien financée en donnant la parole à ceux qui sont déjà passés à la semaine de 4 jours.

Pourquoi visez-vous les européennes ?

Les marges de manœuvre se situent au niveau national et européen. Au printemps, il y aura beaucoup d’abstentions, le FN va faire un score élevé, mais nombreux sont les déçus des partis existants qui continuent de croire qu’on peut construire une société de justice sociale, de créativité et de convivialité.

[^2]: nouvelledonne.fr

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