Bruno Le Roux, l’homme de ménage

Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale a, d’autorité, exclu les députés frondeurs de la commission des Affaires sociales où ils siégeaient.

Pauline Graulle  • 30 septembre 2014
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Bruno Le Roux, l’homme de ménage
© Photo: PIERRE ANDRIEU / AFP

Comment le gouvernement pouvait-il s’assurer d’avoir le champ libre pour faire passer ses mesures antisocial(ist)es sur la sécurité sociale ? Facile, il suffisait d’appeler « SOS Bruno Le Roux » ! Le patron des députés socialistes a été chargé, une fois de plus, de faire le ménage.

Lire > Bruno Le Roux, père fouettard des « frondeurs » du PS

Ni une ni deux, le « nettoyeur » des frondeurs a dégainé une nouvelle – bien que peu imaginative – mesure pour éloigner les gêneurs : les exclure, purement et simplement, de la commission des Affaires sociales, où se discute et s’élabore le Projet de loi sur la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015 qui sera ensuite débattu en séance plénière. Une mesure digne des régimes qui n’aiment pas les parlementaires ? Peut-être. Mais une telle ingérence – qui n’a d’ailleurs pas beaucoup plu à la présidente de la Commission – est tout à fait légale… Reste maintenant au président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, de confirmer la décision de Bruno Le Roux – ce qui devrait être fait instamment.

### « Brimades mesquines »

Adieu donc, Christian Paul, Fanélie Carrey-Conte, Barbara Romagnan, Gérard Sebaoun ou Linda Gourjade ! Qu’importe si ceux qui s’étaient abstenus sur le vote de confiance étaient aussi réputés pour être spécialisés sur les questions sociales et actifs au sein de leur commission – ceci expliquant peut-être le pourquoi du comment de leur « fronde »… « Nous soulevons des débats de fond, sur la politique économique pour sortir le pays de la crise, on nous répond avec des brimades mesquines » , déplore Jean-Marc Germain, qui avait de lui-même demandé à changer de commission. « Rien ne nous empêchera de faire notre travail en fidélité à nos électeurs, nos engagements et nos convictions » , promet-il.

C’est aussi l’avis de Fanélie Carrey-Conte, députée du XXe arrondissement, spécialiste des complémentaires santé et auteure d’une proposition de loi sur les soins mutualistes (lire ici), qui a appris, comme ses cinq autres camarades du courant Vive la gauche, qu’elle avait été mutée, sans en avoir été informée au préalable, à la commission des Finances. « On nous a expliqué clairement que c’était pour nous punir d’un manquement à la discipline » , raconte-t-elle, qualifiant cette affaire de « pathétique » .

« C’est un comportement stupide, alors que nous allons entamer les débats sur le budget de la protection sociale et que le chômage augmente , abonde Barbara Romagnan. Sortir des gens d’une commission ne suffira pas à supprimer les débats soulevés. » Mais peut-être à amplifier la terreur pour juguler toute tentative de rébellion ?
« Ça ne nous décourage pas, au contraire » , affirme Fanélie Carrey-Conte, qui avoue toutefois sa « fatigue » face aux menaces et aux réprimandes subies par les frondeurs. « Depuis ce matin , ajoute-t-elle, je reçois des messages de gens qui me demandent de continuer. » À force de vouloir trop éteindre l’incendie, Bruno Le Roux pourrait finir par propager les braises.

Politique
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