Colère de gauche contre la loi Macron

Plus de 1 600 amendements au projet « pour la croissance et l’activité » sont discutés en commission à l’Assemblée nationale. Un signe de profondes divergences au sein du PS et chez ses alliés.

Thierry Brun  • 15 janvier 2015 abonné·es
Colère de gauche contre la loi Macron
© Photo : AFP PHOTO / MEHDI FEDOUACH

Après l’émotion et l’unité des grandes marches républicaines du week-end, la gauche a vite renoué avec ses divisions autour du projet de loi d’Emmanuel Macron, qui promet de « libérer le potentiel inexploité de croissance et d’activité » de l’économie française. Plus de 1 600 amendements ont été déposés sur ce projet contenant 106 articles, qui abordent des sujets aussi divers que le travail du dimanche et de nuit, la réforme de la justice prud’homale, celle du permis de conduire et des professions réglementées, la vente d’une partie du capital des aéroports de Lyon et de Nice, le développement des lignes d’autocars longue distance, l’épargne salariale et l’actionnariat salarié, etc. Un programme pour « déverrouiller l’économie française », assure Manuel Valls, qui va « véritablement dans la bonne direction », a estimé le Medef.

Pour passer le texte au crible, une commission spéciale, présidée par le socialiste François Brottes, doit élaborer la version amendée qui sera débattue par les députés du 26 au 30 janvier, dans le cadre d’une procédure accélérée engagée par le gouvernement. Peu de place pour le débat parlementaire, alors que la loi est annoncée comme cruciale par le gouvernement Valls. L’argument avancé est l’urgence de donner des gages à la Commission européenne, alors que le budget 2015 de la France reste dans le collimateur de Bruxelles. Le ministre de l’Économie a donc préparé un texte dans la précipitation. À part pour quelques mesures, comme la libéralisation du transport par autocar, qui pourrait créer 10 000 emplois selon le gouvernement, rares sont les aspects de la réforme qui sont accompagnés d’un chiffrage précis. Un constat que déplore le Conseil d’État, lequel pointe « le caractère lacunaire et les graves insuffisances de l’étude d’impact » qui lui a été transmise, sur nombre de dispositions. Concernant l’assouplissement de l’ouverture des commerces le dimanche, l’économiste Éric Heyer, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), estime qu’il peut y avoir « un aspect positif sur la croissance économique en ce qui concerne la clientèle touristique. Mais, pour l’ensemble des Français, s’ils augmentent leurs achats le dimanche, ils consommeront moins en semaine » .

Quelques ténors du PS ont sonné la charge contre le texte porté par Emmanuel Macron. Martine Aubry, maire de Lille, voit dans une ouverture accrue des commerces le dimanche une « régression » qu’elle s’est engagée à combattre. La maire de Paris, Anne Hidalgo (PS), a créé un nouveau front contre les zones touristiques internationales, qui seraient créées par décret ministériel et non sur proposition du maire, comme actuellement. Plus mordante, l’ex-ministre du Logement, Cécile Duflot (EELV), a estimé dans une tribune que « mettre en échec la loi Macron est un devoir ». La députée EELV dénonce notamment « un grand bond en arrière » écologique avec la libéralisation du transport par autocar et une révision par ordonnances de « toutes les mesures du code de l’environnement qui viendraient [paraît-il] gêner l’activité et la croissance. Or, le droit de l’environnement est justement un droit de protection face à la logique de marché qui a trop souvent sacrifié notre avenir pour des profits de court terme ». De son côté, le chef de file des députés du Front de gauche, André Chassaigne, est très remonté contre « la bombe à Macron », une loi « extrêmement cohérente. Derrière le caractère fourre-tout, il y a une cohérence qui consiste à considérer que tout est une marchandise ». Pour le député communiste, « on s’attaque au socle républicain, c’est la porte ouverte à une société à l’anglo-saxonne. On mesure quelles pourraient être les conséquences en termes d’inégalités d’accès au service public » .

Face aux empoignades, l’exécutif et le PS se sont employés à arrondir les angles sur un texte qui n’est désormais « pas la loi du siècle », a déclaré François Hollande. Pour diviser la gauche mobilisée contre le projet de loi Macron, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, a tendu la main aux écologistes après la charge de Cécile Duflot, « parce que la loi n’a pas été adoptée, parce qu’on est dans la discussion parlementaire […], parce qu’on peut toujours améliorer tel ou tel aspect de cette loi ». François Hollande est, lui, ouvert à des « améliorations », voire à d’éventuelles « corrections », et a écarté l’idée d’un recours au 49-3, se disant « confiant » pour que le texte obtienne une majorité. L’Élysée mise sur une contestation circonscrite à l’hémicycle, et sur la faiblesse des organisations syndicales, pour l’instant incapables de mobiliser massivement les salariés.

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