« Big Eyes », de Tim Burton : L’auteure et son double

Big Eyes, de Tim Burton, ou l’histoire d’une artiste confisquée par son mari.

Christophe Kantcheff  • 19 mars 2015 abonné·es

Le générique de fin de Big Eyes, le nouveau film de Tim Burton, montre une photo de la rencontre entre l’actrice qui interprète dans le film Margaret Keane, Amy Adams, et la vraie Margaret Keane, aujourd’hui une dame de 88 ans. Le spectateur avait été averti que Big Eyes s’inspirait d’une histoire vraie, mais le cinéaste préfère enfoncer le clou. Pourquoi ? Le réalisateur de Charlie et la chocolaterie aurait-il si peu confiance dans la capacité de son film à solliciter l’imaginaire ? Ou manquerait-il à ses yeux de crédibilité ?

Big Eyes dépasse pourtant la simple fonction illustrative. S’il s’inscrit dans un registre réaliste, le film développe un climat singulier, qui mêle à la fois une certaine violence des rapports homme-femme aux États-Unis dans les années 1960 et un parfum anxiogène. L’histoire ? Une femme, qui peint des personnages avec de grands yeux sombres, quitte son mari pour tenter de vivre de son art. Elle fait la rencontre d’un beau parleur (Christoph Waltz), qui lui propose, outre le mariage, de tenter de placer ses tableaux dans les galeries. Très vite, les œuvres de Margaret plaisent, et le hâbleur, ivre du succès qui se profile, se substitue au véritable auteur de celles-ci : sa femme. Celle-ci produit dès lors clandestinement des tableaux encensés dans tout le pays, sobrement signés Keane, à l’insu même de sa propre fille. Le piège s’est refermé sur Margaret, qui ne peut dénoncer l’imposture sans déclencher le scandale. Big Eyes est une belle réflexion sur le lien viscéral qu’entretient un artiste à sa signature, en même temps que le récit d’une libération. Dominée, Margaret commence par se soumettre à l’autorité de son mari. Mais la douleur du mensonge et la négation de son ego meurtri finissent par provoquer en elle une rébellion salutaire. On aura compris que Big Eyes est aussi un film féministe.

Cinéma
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