Le mot d’amour de l’Express à Marion Maréchal-Le Pen

Est-ce pour se racheter d’avoir révélé , à l’automne 2013, le nom de son père biologique que L’Express publie cette semaine un portrait de Marion Maréchal-Le Pen en forme de panégyrique ? En ce mois novembre 2013, la petite fille de Jean-Marie Le Pen aurait ressenti « comme une lame glaciale plantée dans son cœur » à la publication de l’article, raconte cette semaine Tugdual Denis, déjà l’auteur du papier de « révélation »[^2] qui, précise-t-il, valut à son chef, Christophe Barbier, d’être « sermonn[é] » par la présidente du FN. Cette fois, ce sont six pages que le journaliste consacre à « l’effrontée nationale » dont le visage moqueur barre la une de l’hebdomadaire. Comme un cadeau pour se faire pardonner…

### Tapis rouge

Pour un portrait, c’est un beau portrait. Bien écrit, bien construit, rien à redire… On ne doute pas qu’après l’avoir lu Marion Maréchal aura décroché son téléphone pour, cette fois, remercier L’Express de lui avoir ainsi déroulé le tapis rouge. Tout y est à la limite de la complaisance. La description de la beauté de la demoiselle au « visage lupin » (sic) : « On ne voit qu’elle » , écrit le journaliste, visiblement sous le charme. Mais aussi l’ode à « l’aisance politique » de cette élue de « seulement 25 ans » qui estime, bien sûr, que « la dimension morale joue un rôle essentiel en politique » .
Jean-Marie Le Pen la trouve « assez fascinante, […] à la fois réservée, pédagogue, […] jeune maman avec un joli bébé » . Parole de papi gâteau ? Pas seulement, nous rassure L’Express . La preuve, Nicolas Sarkozy « dit beaucoup de bien d’elle en privé » – ce qui, pour l’hebdo, vaut adoubement -, et même le sympathique centriste Jean-Louis Borloo lui a envoyé le « mot de réconfort le plus touchant » lors de l’affaire de novembre 2013… C’est dire !

### Complexes

Surdouée de la politique, Marion Maréchal n’en est pas moins une petite chose. Victime des médias, de son « stress » , de ses « complexes » ou des coups bas de sa tante, capable de la « priver de discours » comme on la priverait de dessert… Même ses petits camarades d’école la traitaient « d’antisémite à un âge où aucune gamine (sic) ne sait placer la mer Morte sur une carte » , raconte Tugdual Denis avec des trémolos dans le stylo. Viendra sa « sécuri[sation] […] dans le privé » , chez les bonnes sœurs… Nous voilà rassurés. Celle qui connaît désormais ses Pater Noster en latin – mazette ! – y aura aussi appris de la religion catholique « la vertu de la prudence » .
Le papier passe rapidement sur ses liens avec les « milieux traditionnalistes » , les extrémistes xénophobes des jeunes identitaires « loin d’être idiots » selon l’élue, ou ses lectures sulfureuses (les ouvrages d’historiens maurassiens). Il n’y a vraiment que Thomas Guénolé, spécialiste de la droite interviewé par l’auteur, qui « persiste » à la qualifier d’islamophobe, xénophobe et homophobe. Il faut attendre l’avant-dernière page pour découvrir l’« homme de l’ombre » de la députée, Arnaud Stephan[^3], ancien « de la droite de l’extrême droite » . Et l’avant-avant-dernier paragraphe pour qu’un député écolo affirme qu’elle parle aux gens comme à « des demeurés » .
Ses menaces adressées à des journalistes (lire et regarder ici) fin janvier ? Cette « chef de bande » s’est montrée « virulente » , pas plus. Sa récente intervention à l’Assemblée (elles sont rares) pour éructer contre le « mépris crétin » du Premier ministre ? L’Express y a surtout vu qu’elle avait réussi à déstabiliser Manuel Valls « dont la main gauche trembl[ait] de colère » . Tout est question de point de vue.

[^2]: Avec bien d’autres médias, Politis avait condamné la pratique.

[^3]: Assistant parlementaire, il est enregistré sous le nom d’Arnaud Hautbois.