Éric, Julie et le Roi

Ce qui se cache derrière le limogeage du directeur de l’École nationale supérieure des beaux-arts.

Christophe Kantcheff  • 8 juillet 2015
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Éric, Julie et le Roi

Nommé en 2007 au poste de directeur de l’École nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA), à Paris, Nicolas Bourriaud a été convoqué par la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, le 2 juillet, pour s’entendre dire qu’il en était évincé. La veille, le Canard enchaîné expliquait que derrière ce limogeage se cachait la volonté de Julie Gayet, la favorite du Président, de faire plaisir à l’une de ses amies, l’actrice Anne Consigny, mariée à Éric de Chassey, en fin de mandat à la direction de la Villa Médicis, et qui se voyait déjà à la tête de l’ENSBA. On a du mal à croire que de telles choses soient possibles dans notre beau pays, dirigé qui plus est par un homme dont on se souvient la longue litanie d’anaphores lors de la campagne électorale, où il disait notamment que, lui président de la République, il ferait en sorte que son comportement « soit à chaque instant exemplaire ». Fleur Pellerin s’est empressée de nier la prochaine nomination d’Éric de Chassey, comme Aurélie Filippetti, qui l’a précédée rue de Valois, avait dû exclure de l’arrêté ministériel le nom de Julie Gayet, qu’Éric de Chassey avait souhaité nommer, en 2014, au sein du jury de la Villa Médicis. Toutes ces intrigues de cour sont pathétiques et montrent qu’en matière culturelle, comme dans d’autres, l’État français ne s’est pas encore entièrement délivré de toutes les pratiques de l’Ancien Régime. Quelles que soient les raisons invoquées par Fleur Pellerin pour justifier l’éviction de Nicolas Bourriaud (elles sont au demeurant peu convaincantes), ce pouvoir de l’exécutif de défaire brutalement et arbitrairement le directeur d’une prestigieuse école d’art, et de nommer son successeur à la va-vite, relève d’un autre âge. La ministre de la Culture eût été mieux inspirée en modernisant les procédures de gouvernance de l’ENSBA, qui réclameraient davantage de collégialité et de transparence. Mais qu’en pense Julie Gayet ?

Culture
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