Cherchez l’arnaque…

Depuis trois ans, François Hollande a méthodiquement ruiné ce capital si précieux en démocratie : la confiance.

Denis Sieffert  • 21 octobre 2015 abonné·es

Voulez-vous parier avec François Hollande ? Le Président nous y invite. « Il faut faire le pari de la confiance », a-t-il lancé lundi en ouverture de la conférence sociale. « Confiance », voilà bien le mot qu’il faudrait ne plus prononcer. Depuis trois ans, François Hollande a méthodiquement ruiné ce capital si précieux en démocratie, qui unit un peuple à ses élus. Tant et si bien qu’à chaque annonce on se demande où est l’arnaque ? Où est l’arnaque lorsque François Hollande propose de « clarifier » le code du travail ? Où est-elle lorsque le Président et son Premier ministre font un usage surabondant de ce mot, lourd désormais de toutes les ambiguïtés : « réforme »  ? Depuis trois ans, on n’a pas souvenir que la « réforme » ait servi à autre chose qu’à une régression sociale. Résultat : la France des salariés est incrédule. Le fameux « dialogue social » sonne à ses oreilles comme une nouvelle tartufferie.

Fallait-il en plus, lundi, agiter ce chiffon rouge de la « réforme » du code du travail qui n’était pas prévue au programme ? Et cela dans le contexte tendu de l’affaire d’Air France. Où est le souci d’apaisement, pourtant appelé de ses vœux par François Hollande dans le même discours ? L’alibi d’un code du travail qui serait devenu « illisible » ne trompe personne. Ce n’est pas un genre littéraire. Pas besoin d’être parano pour supputer qu’un gouvernement placé sous l’hégémonie idéologique d’un Emmanuel Macron ne va pas s’en tenir à des considérations stylistiques. Le problème, c’est qu’on est saisi du même doute en face d’une mesure qui pourrait, a priori, avoir bien des avantages. C’est le cas du compte personnel d’activité qui consisterait à préserver les droits des salariés tout au long de leur vie professionnelle, périodes de chômage comprises. Une belle idée aux contours encore trop flous. Le soupçon vient du fait que ce dispositif, annoncé pour 2016, prend place dans un discours construit autour du concept général de flexibilité. Confiance, où es-tu ?

Et comme si la politique du gouvernement ne suffisait pas, il a fallu que l’exécutif apporte sa caution à une ridicule mascarade concoctée dans les couloirs de Solférino. Ce référendum qui demandait au « peuple de gauche » s’il préférait (après mûre réflexion, bien sûr…) l’union à la désunion. On n’a jamais vu ficelles plus grosses. François Mitterrand, orfèvre en manœuvres florentines, a dû se retourner dans sa tombe. Ses héritiers sont bien patauds. Même les commentateurs les plus complaisants se sont gaussés. Mais cette opération n’a pas fait qu’avilir une nouvelle fois l’image de la politique. Elle a tiré dangereusement sur un ressort qui menace de se rompre, et qui s’appelle le chantage. Cela a été dit, et très bien illustré, par le contre-référendum initié par le Vert Julien Bayou : si l’unité de la gauche est malmenée, ce n’est pas tant parce que le Front de gauche et les écolos feraient bande à part, dans le Nord et ailleurs, que parce que Manuel Valls est devenu difficilement fréquentable. L’union n’est pas seulement affaire d’arithmétique. Comme on l’apprend dans les petites classes, on ne peut additionner que ce qui s’additionne. Mêler dans une même coalition des gens qui s’opposent à peu près sur tout n’a guère de sens. Les dirigeants socialistes le savent bien. Ce qui les conduit à un ultime chantage : si vous ne votez pas pour nous, vous aurez pire. Sarkozy ou Le Pen. Il faut reconnaître que l’argument est d’une redoutable efficacité. Après tout, même très à droite, le PS vaudra toujours mieux que Sarkozy. Ce qui permet au gouvernement d’aller à sa guise de plus en plus à droite, en se disant que la peur accomplira son œuvre, le moment venu dans l’isoloir. C’est une assurance tous risques qui a déjà fait ses preuves. Et tant pis si cette stratégie a pour effet d’entraîner l’ensemble du paysage politique dans une très mauvaise direction ! Processus en cours !

Mais un péril plus grand encore guette le pays. Que se passera-t-il lorsque le ressort se brisera définitivement, et lorsque les électeurs de gauche bouderont massivement les urnes ? Lorsque nos concitoyens, las de ce chantage, finiront par dire « même pas peur » ? C’est déjà ce qui s’est produit aux européennes, l’an dernier. C’est ce qui va se produire pour les régionales du mois de décembre. En attendant peut-être la présidentielle de 2017. Bien sûr, il existe une alternative. C’est aux écologistes et au Front de gauche de la construire. Et de ce côté-là, il n’est vraiment pas trop tôt pour agir. Mais si, comme c’est probable aujourd’hui, c’est la droite qui l’emporte, ou le FN, qu’adviendra-t-il de la gauche ? Elle pourra toujours retourner le bon mot du madré premier secrétaire du Parti socialiste : « Un flop, pas un top. »

Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.

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