Michel Warschawski : D’une société coloniale à une société barbare

TRIBUNE. Où sont les opposants israéliens à la politique sanguinaire de Benyamin Netanyahou ?, interroge Michel Warschawski.

Michel Warschawski  • 28 octobre 2015
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Michel Warschawski : D’une société coloniale à une société barbare
Michel Warschawski Militant anticolonialiste israélien. Cofondateur de l’Alternative Information Center. Ce texte est paru en anglais sur le site alternativenews.org. Traduction Denis Sieffert.
© DR

Une confession. Il y a exactement quinze ans, le 13 octobre 2000, j’ai eu un moment de doute au sujet de mon engagement dans le combat pour les droits des Palestiniens. Des centaines de Palestiniens en colère venaient de lyncher et de tuer deux soldats israéliens égarés dans les Territoires. Le lynchage, que ce soit dans l’Oklahoma ou à Ramallah, a toujours été à mes yeux l’expression de la barbarie qui anéantit notre humanité. La barbarie de l’occupation coloniale israélienne avait-elle déteint sur les victimes palestiniennes au point de leur faire perdre à elles aussi toute humanité ?

Le conflit colonial peut-il ainsi se dégrader jusqu’à sombrer dans la barbarie la plus insupportable ? Et si tel est le cas, puis-je encore avoir une place dans ce conflit ? Mais, après un certain temps, la raison l’emporte sur les sentiments : l’occupation coloniale d’Israël demeure la mère de toutes les barbaries tandis que le comportement sauvage des victimes est tout simplement un effet secondaire. Quinze ans plus tard, nous voici face à un nouveau lynchage, cette fois dans la ville israélienne de Beer Sheva. Une foule d’Israéliens frénétiques a battu à mort Habtom Zarhum, un réfugié érythréen qui a eu le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. « Nous avons pensé qu’il était arabe », ont affirmé les passants en guise d’excuse. Comme si on avait le droit (et peut-être le devoir ?) de lyncher un Arabe. À ce jour, le 18 octobre 2015, nous sommes passés d’une société coloniale à une société barbare. Une société potentiellement génocidaire qui devrait être bannie du concert des nations civilisées. À la tête de cette société, Benyamin Netanyahou et son équipe de tueurs ont, pendant des semaines, incité la population israélienne à s’armer, pour tirer et pour tuer.

Leurs appels répétés au meurtre ont été si efficaces que des policiers ont déjà ouvert le feu sur d’autres policiers et sur des passants. Israël est devenu l’Ouest sauvage, avec son shérif sanguinaire, Netanyahou. La seule façon d’avancer, pour les Israéliens qui rejettent la barbarie dans laquelle nous sombrons, est d’arrêter immédiatement le shérif et ses sbires. Des centaines de milliers de manifestants devraient occuper la rue. Mais où sont-ils ? Vivent-ils cachés à l’ombre de la barbarie – certes, leurs mains ne sont pas couvertes de sang, mais ils sont occupés à regarder ailleurs, loin de ce lieu où Habtom Zarhum a été massacré ?

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