Remettre la politique ferroviaire sur ses rails

Des projets dispendieux et écologiquement aberrants.

Liêm Hoang-Ngoc  • 22 juin 2016 abonné·es
Remettre la politique ferroviaire sur ses rails
© PATRICK HERTZOG / AFP

Dans la littérature économique, les transports ferroviaires représentent le cas d’école du bien collectif. Lorsque l’objectif est l’accès du plus grand nombre par une tarification optimale (au coût marginal du voyageur), cette activité ne peut engendrer de profits, en raison de l’importance des coûts fixes liés à l’installation et à l’entretien du réseau. Il appartient alors à la puissance publique de combler les pertes pour que l’entreprise puisse assurer sa mission de service public. À défaut, en cas d’ouverture à la concurrence, une entreprise privatisée (ou filialisée) voulant réaliser du profit cherchera à se situer en situation de monopole afin de sur-tarifer ses billets. Pour assurer l’égalité territoriale, l’engagement financier de l’État et des collectivités est, dans tous les cas, déterminant. Il doit plus que jamais faire l’objet d’un contrôle démocratique, tant certains projets de lignes à grande vitesse (LGV) se révèlent dispendieux, socialement discutables et écologiquement aberrants.

À cet effet, les États généraux du rail et de l’intermodalité, organisés par la Région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, devraient remettre à plat la politique du rail en donnant la parole aux citoyens. Ils deviendraient une parodie de démocratie participative s’il était avéré que la réalisation des chantiers contestés était d’ores et déjà actée par l’État et par les métropoles, et en partie budgétée par la Région elle-même. Parmi ces projets, les nouvelles gares de Manduel et de La Mogère, situées hors des centres-villes de Nîmes et de Montpellier, engouffrent des ressources qui auraient pu être consacrées à l’aménagement des tronçons existants pour y faire circuler les TGV, améliorer leur connexion avec les TER et les Intercités, créer des sillons pour le fret. Les gares de centre-ville de Nîmes-Feuchères et de Montpellier-Saint-Roch avaient d’ailleurs été modernisées en ce sens, à la grande satisfaction des usagers.

La logique des nouvelles LGV et de leurs gares est tout autre : réduire les distances temporelles entre les grandes métropoles, supprimer les arrêts intermédiaires, capter les subventions au détriment du réseau secondaire. Non seulement les usagers des campagnes et des villes perdent leur temps pour accéder aux nouvelles gares, souvent en voiture ou en autocar, mais, de plus, la « clientèle » des quartiers d’affaires des métropoles reliées par ces lignes étant trop restreinte, le nombre de trains circulant sur celles-ci est insuffisant pour qu’elles soient rentables. Les tarifs augmentent donc, d’autant plus que le financement transite par de scandaleux partenariats public-privé, détournant les recettes d’exploitation pour assurer les rentes du BTP (que Lisea, filiale de Vinci, empochera ainsi pendant quarante-quatre ans pour la construction de la LGV Tour-Bordeaux).

En définitive, ce n’est pas tant la SNCF mais les caciques politiques locaux qui exercent la plus forte pression sur l’État et les Régions pour financer ces projets. Faire décroître ces chantiers inutiles, faire croître des projets socialement justes et écologiquement responsables, tel devrait être le sens d’une bonne planification écologique.

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