Toujours plus pour les riches !

Le système fiscal français contribue à creuser les inégalités.

Dominique Plihon  • 20 décembre 2017 abonné·es
Toujours plus pour les riches !
© photo : LUDOVIC MARIN / AFP

Les inégalités de revenus et de patrimoine se creusent à l’échelle planétaire depuis 1980. Telle est la conclusion d’une enquête récente portant sur 70 pays [1]. Les auteurs, dont Thomas Piketty, expliquent que cet accroissement mondial trouve son origine dans la mondialisation et la grande vague de libéralisation des années 1980-1990, ce que les altermondialistes disent depuis longtemps…

C’est en Europe que les écarts sont les plus modérés : en 2016, les 10 % les plus riches ne détenaient « que » 37 % du revenu national, contre 47 % aux États-Unis et 55 % en Inde et au Brésil. Ce résultat provient du système de protection sociale plus développé dans nos pays. Et les auteurs de conclure que l’un des moyens de lutter contre ce fléau mondial des inégalités serait de mettre en œuvre une fiscalité progressive et redistributive.

C’est là un « vœu pieux », au moins à court terme ! Car on assiste actuellement à un processus de régression fiscale dans de nombreux pays, à commencer par les États-Unis et l’Europe. Donald Trump vient de faire voter une baisse d’impôts de 1 400 milliards de dollars sur dix ans, largement au profit des entreprises. Avec Emmanuel Macron, la France n’est pas en reste. La loi de finances de 2018 constitue une véritable contre-révolution fiscale, comparable à celle impulsée par Trump, et qui rappelle les politiques menées au début des années 1980 par Thatcher et Reagan. Comme le montre le dernier livre d’Attac, Toujours plus pour les riches. Manifeste pour une fiscalité juste [2], le système fiscal français est devenu de plus en plus injuste, car il contribue à creuser les inégalités. Le budget Macron pour 2018 aggrave cette régression : la moitié des baisses d’impôt va profiter aux 10 % les plus riches.

L’évasion fiscale est l’un des principaux rouages des inégalités, car elle profite surtout aux ultra-riches, aux multinationales et à leurs actionnaires. D’un point de vue citoyen, cette pratique est inacceptable : elle discrédite l’impôt, un des piliers de la démocratie depuis la Révolution. Par ailleurs, l’évasion fiscale – dont le montant annuel de 80 milliards d’euros en France correspond au déficit public – est une source majeure de la dette publique, instrumentalisée par les défenseurs de l’ordre néolibéral pour remettre en cause l’État social. C’est pour ces raisons que des organisations du mouvement social et citoyen, regroupées dans la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires, se battent contre l’évasion fiscale – au risque de faire l’objet d’une répression par les pouvoirs publics. Ainsi, Nicole Briend, ancienne proviseure de lycée, militante d’Attac, est convoquée devant le tribunal de Carpentras, le 6 février prochain, pour avoir participé à une action non-violente de fauchage de chaises dans une agence BNP Paribas. Alors que l’État britannique n’a pas hésité à imposer à cette dernière une amende de 38 millions d’euros pour fraude fiscale, le gouvernement français, représenté par le procureur de Carpentras, a choisi de s’attaquer à une citoyenne lanceuse d’alerte plutôt qu’à l’impunité fiscale de la banque française !

[1] World Inequality Report 2018.

[2] Les Liens qui libèrent, en librairie le 17 janvier.

Dominique Plihon, conseil scientifique d’Attac

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