« Fake news » : Vrais maux, faux remèdes

Le 3 janvier, Emmanuel Macron a dit envisager un projet de loi pour lutter contre les « fausses nouvelles » sur le Net. Mais ses contours sont pour le moins flous.

Pauline Graulle  • 9 janvier 2018 abonné·es
« Fake news » : Vrais maux, faux remèdes
© photo : LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

Pour ses vœux à la presse, le 3 janvier, Emmanuel Macron a annoncé son intention de présenter, d’ici à l’an prochain, un projet de loi pour lutter contre les « fake news » qui pullulent sur le Net. En cas de propagation de « fausse nouvelle », chacun, a-t-il dit, pourra « saisir le juge dans une action en référé [en urgence, NDLR], [afin de] supprimer le contenu, de déférencer le site, […] voire de bloquer l’accès au site Internet ». Et son porte-parole, Benjamin Griveaux, de préciser que le chef de l’État « pense à certains médias détenus par les gouvernements étrangers » – les sites « de propagande » russe Sputnik ou Russia Today.

Un projet de loi aux contours pour le moins flous : tous les médias seraient-ils concernés ? La loi de 1881 prévoyant le « délit de fausse nouvelle » et la « diffamation » n’est-elle pas suffisante ? Si l’opposition a unanimement crié au scandale, Jean-Luc Mélenchon a expliqué dans un communiqué qu’il voyait dans ce projet de loi une « grave alerte pour le pluralisme », mais qu’il était aussi prêt à faire « le pari du dialogue avec [Macron] sur ce sujet ». C’est que le chef de file de la France insoumise et le Président semblent, pour une fois, sur la même longueur d’ondes, au moins sur le diagnostic. Après son passage à « L’Émission politique » un mois plus tôt, le premier a fait circuler une pétition (signée par plus de 170 000 personnes) pour créer « un conseil de déontologie du journalisme », afin que les citoyens puissent « faire respecter leur droit à une information objective » et « obtenir une rectification publique en cas de mensonge ou de duperie médiatique ».

Une instance, certes, non judiciaire, ce qui n’est évidemment pas pareil, mais qui pose un même problème : qui pour statuer sur le caractère véridique d’une information ? Les « fake news » des uns sont-elles fausses pour les autres ? « Ce n’est pas l’exécutif qui se prononcera », a voulu rassurer la ministre de la Culture, Françoise Nyssen. Mélenchon rappelle quant à lui que son conseil de déontologie serait « composé de représentants des usagers des médias et des journalistes, y compris les précaires et pigistes », dont on ne voit pas en quoi ils seraient plus spécialement habilités que d’autres à dire le vrai du faux…

Comment apporter une information de qualité aux citoyens ? Cette question, vieille comme la presse, reste entière. Il est sûr en tout cas que le remède macronien serait au final pire que le mal. Quand le complotisme guette, que la réalité se complexifie, mieux vaut peut-être plutôt commencer par rappeler que le journalisme, dans sa diversité et ses imperfections, vaut toujours mieux que d’imposer, d’en haut, quelque « vérité » supposément indiscutable que ce soit.

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