Municipales 2020 : On va droit dans le mur !

Pour Paul Ariès, une gauche de gauche et une écologie antilibérale qui se referaient à l’occasion des municipales, qui s’ancreraient de nouveau dans les territoires, dont les militant.e.s se reparleraient, seraient à même ensuite d’envisager sereinement 2022…

Paul Ariès  • 27 septembre 2019
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Municipales 2020 : On va droit dans le mur !
© Crédit photo :nOLIVIER MORIN / AFP

J’aimerais être convaincu que les dirigeants des gauches et de l’écologie sont prêts à assumer l’échec qu’ils programment aux prochaines élections municipales en raison des logiques d’appareil qui prédominent et des erreurs de stratégie qui s’amplifient au nom du populisme.

Logiques d’appareil qui poussent les uns à vouloir sauver un parti en préservant des alliances locales devenues contre-nature avec un Parti « socialiste » qui n’a tiré aucune leçon des échecs pour toutes les gauches de sa conversion au libéralisme économique, au capitalisme, ou à se prendre pour la petite grenouille verte devenue le temps d’une élection aussi grosse que le bœuf ; erreur stratégique lorsque d’autres s’entêtent à se la jouer sectaires, au nom du refus de la « soupe aux logos » (comme si les logos n’exprimaient pas des sensibilités différentes et donc respectables) tout en proclamant avec Mélenchon que seule la présidentielle de 2022 reste le véritable objectif.

Dépasser les querelles de chapelles

Un véritable populisme ne consiste pas à privilégier le national sur le local, comme ce fut déjà le cas lors des précédentes municipales, avec le triste résultat que l’on a connu en 2017, stratégie électoraliste génératrice de désillusions et de la difficulté à assumer l’échec électoral, un véritable populisme ne consiste pas à sélectionner quelques villes exemplaires, comme nous y invite le camarade député Alexis Corbière, afin d’en faire des laboratoires plus médiatiques que politiques, un véritable populisme ne consiste pas à chercher un face-à-face entre le peuple et un homme (ou une femme) providentiel, comme nous y incite le système, mais à prendre acte de la richesse du peuple, dont témoignent les gilets jaunes, à privilégier le travail politique au quotidien, car aucune pseudo « guerre éclair électorale » ne peut permettre de construire un rapport de force.

C’est pourquoi, les municipales devraient être nos élections fétiches, déjà parce qu’un éco-socialisme municipal est la condition pour que monte un nouvel espoir à gauche et dans l’écologie, tout comme le socialisme municipal de la fin du XIXe siècle fut la matrice de la naissance de la gauche, ensuite parce que les citoyen.ne.s sont particulièrement attachés à leurs services publics de proximité, belle occasion de parler de service public, de biens communs, d’avancer vers la gratuité des transports en commun, des cantines, des médiathèques, des services funéraires, bref de contrer sur le terrain le discours libéral dominant, également parce que les territoires sont le bon espace pour mener la transformation écologique de la société, puisque le politique national ne peut jamais que traduire des mutations engagées…

À trop viser la seule conquête du pouvoir central, on risque non seulement de la louper en 2022, mais de ne rien pouvoir en faire, faute d’ancrage local. La condition pour reprendre le chemin de la victoire est donc de dépasser les querelles de chapelles et que les appareils politiques se mettent enfin au service de listes citoyennes unitaires, de listes arc en ciel, porteuses de projet d’émancipation sociale, écologique, politique.

Multiples convergences en cours

Des pistes ont été frayées, dans ce sens, lors du Forum national de la gratuité du 5 janvier 2019, en présence de représentants de toutes les familles des gauches et de l’écologie, dont personne ne peut croire qu’ils étaient venus simplement parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement, d’autres pistes fécondes ont été ouvertes lors du rassemblement du Big Bang le 30 juin à Paris.

Tout cela, comme les multiples convergences en cours sur le terrain en France, va dans le bon sens, mais sans être encore à la hauteur des enjeux. Au regard des derniers rapports du Giec et des tendances très lourdes à dépolitiser l’écologie, il est temps de sortir de l’isolement superbe que cultivent les uns et les autres et de construire, au plus près des gens, des réponses concrètes. Une gauche de gauche et une écologie antilibérale qui se referaient à l’occasion des municipales, qui s’ancreraient de nouveau dans les territoires, dont les militant.e.s se reparleraient, seraient à même ensuite d’envisager sereinement 2022…

Paul Ariès est politologue, directeur de l’Observatoire international de la gratuité (OIG). Auteur de Gratuité vs capitalisme (Larousse)

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