Jazz et pulsions ancestrales

Le Grand Impérial Orchestra (Grio) propose une réappropriation jazzistique des musiques traditionnelles centrafricaines.

Lorraine Soliman  • 15 janvier 2020 abonné·es
Jazz et pulsions ancestrales
© LUCIE TRAVAUX

L’un habite Nantes, l’autre Paris, le troisième Saint-Étienne, le quatrième Sète. Joachim Florent (contrebasse), Antonin Leymarie (batterie), Damien Sabatier (saxophones baryton, alto, sopranino), Gérald Chevillon (saxophones basse, ténor, soprano) : tel est le « collège artistique initial » de la Compagnie Impérial qui a vu le jour en 2012, après trois ans de Quartet (déjà Impérial) et bien des années de connivence. Impérial Quartet, donc, ou l’union de quatre frères de son, « cultivés à l’esprit de rencontre dès le plus jeune âge », comme le résume Gérald Chevillon. Ils viennent d’horizons variés, sont réunis un temps pour des études à Lyon, puis au sein du big band de Laurent Dehors (Tous Dehors) avant de s’associer pour coproduire quelque chose à eux.

Lauréat au tremplin Rézzo Focal du festival Jazz à Vienne et sélectionné par le programme Jazz Migration de l’Association des festivals innovants en jazz et musiques actuelles (Afijma) en 2012, l’Impérial Quartet est bien parti. Mais la famille a d’emblée vocation à s’agrandir. En parallèle, un deuxième quartet avec l’accordéoniste et chanteur lyrique Rémy Poulakis fut créé dès 2010 : l’Impérial Orphéon, autour d’un répertoire de musique de bal et de cabaret. Un orphéon moderne qui tourne sensiblement autour des arts circassiens. Dans l’ADN « Impérial », les arts se mêlent. Mais c’est avec l’esprit de compagnie, « en plus du travail au jour le jour de besogneux musiciens », que la famille « Impérial » s’impose.

«On a tout de suite pensé qu’il faudrait trouver quelque chose qui valide notre existence, qui soit notre socle, notre petite maison», précise Gérald Chevillon, aujourd’hui chargé de diffusion et de production de la compagnie. «Il nous fallait aller au-delà de la géographie qui imposait une contrainte économique forte. » Autrement dit, ils ont très tôt l’intuition d’une nécessaire stratégie de développement par le collectif pour gérer «toutes ces choses qui encadrent la vie du musicien ». C’est dans le contexte structuré et clairement identifié de la Compagnie Impérial que l’octet Grio, pour Grand Impérial Orchestra, est fondé en 2018. Il s’inscrit dans une lignée déjà longue, augmentée de l’Impérial Pulsar à partir de 2011, quelque part entre la France, le Burkina et le Mali. Avec le Grio, le cercle s’élargit encore. La diagonale géographique pousse au Nord, avec le pianiste finlandais Aki Rissanen, compagnon de promotion de Joachim Florent dans la classe jazz du Conservatoire de Paris. Avec lui, c’est «le grand saut [vers] quelque chose qu’on n’a pas le droit de rater : le trio piano-contrebasse-batterie qui va prétendre à jouer quelque chose comme du jazz ». S’ils intitulent leur disque Music is Our Mistress, c’est une allusion directe à Duke Ellington (1). Et comme le jazz est décidément une histoire de rencontres, de mélanges et d’emprunts, on n’est nullement étonné d’entendre l’impulsion polyphonique des Banda Linda (2) traverser l’ensemble des compositions du Grio et s’immiscer avec bonheur jusque dans les grands espaces de l’extrême nord européen.

(1) L’auto­biographie d’Ellington s’intitule Music is My Mistress.

(2) Population d’Afrique centrale.

Music is Our Mistress, Grio ; en concert le 18 janvier au Théâtre de Viviers (07), le 19 janvier au Galpon, Tournus (71), le 20 janvier au Pan Piper, Paris XIe.

Musique
Temps de lecture : 3 minutes