« Plogoff, des pierres contre des fusils » : L’atome de discorde

Film de 1980 captant sur le vif une fronde populaire antinucléaire, Plogoff, des pierres contre des fusils est repris en salle.

Jérôme Provençal  • 12 février 2020 abonné·es
« Plogoff, des pierres contre des fusils » : L’atome de discorde
© MATTHIEU PONCHEL

Au mitan des années 1970, dans le cadre du développement de son programme nucléaire civil, l’État français – alors sous la présidence de Valéry Giscard -d’Estaing – lance le projet de construction d’une centrale à la pointe de la Bretagne. Plusieurs sites sont envisagés, et la petite commune finistérienne de -Plogoff, à l’extrémité du cap Sizun, est retenue en 1978, malgré un début de mobilisation contre le projet. Trouvant un écho bien au-delà du Finistère, suscitant en particulier une grande solidarité avec la fronde du Larzac, la contestation va s’amplifier à partir du moment où une enquête d’utilité publique est menée sur place.

Pendant les six semaines que durera l’enquête, du 31 janvier au 14 mars 1980, la population de Plogoff va manifester chaque jour son opposition et occuper le terrain sans fléchir. Des slogans jaillissent tels que « Non au nucléaire, oui au soleil » ou « Du poisson, pas de neutron ». Se postant fermement tout près des gendarmes mobiles déployés in situ, les femmes – qui jouent un rôle décisif dans le mouvement – les défient verbalement. Quant aux hommes, ils lancent des cailloux et autres projectiles, auxquels les gendarmes mobiles répondent par des gaz lacrymogènes puis des grenades offensives. À la suite de l’arrestation musclée de plusieurs habitants, la tension monte encore d’un cran…

C’est ce combat à armes inégales, devenu emblématique de la lutte antinucléaire en France, que relate Plogoff, des pierres contre des fusils, documentaire tourné (en 16 mm) dans le feu de l’action, avec très peu d’argent et sans autorisation. À l’origine du projet : Nicole et Félix Le Garrec, photographes et cinéastes autodidactes scrutant la Bretagne depuis le début des années 1970 (leur champ d’action s’élargira par la suite). Venu d’abord en curieux à Plogoff, le couple commence à filmer et à prendre des photos quand démarre l’enquête d’utilité publique.

On ne peut que s’en féliciter, tant le film – sorti en novembre 1980 et aujourd’hui impeccablement restauré – apparaît comme un document précieux sur un mouvement spontané de résistance populaire, qui en évoque fortement d’autres plus récents comme la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. S’il s’inscrit dans la mouvance du cinéma militant de l’après-Mai 68, il revêt aussi une importante dimension ethnographique via diverses scènes de la vie quotidienne saisies en marge de la confrontation. Celle-ci aura un dénouement heureux, le projet d’une centrale nucléaire à Plogoff étant abandonné par François Mitterrand en 1981.

Plogoff, des pierres contre des fusils, Nicole Le Garrec, 1 h 52.

Cinéma
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