Les hospitaliers font entendre leur ras-le-bol

Pour la première manifestation autorisée depuis le confinement, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées à travers toute la France pour soutenir l’hôpital.

Nadia Sweeny  • 16 juin 2020
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Les hospitaliers font entendre leur ras-le-bol
© Photo : Nadia Sweeny

Applaudir c’est bien, manifester c’est mieux. Plusieurs milliers de personnes ont défilés ce mardi 16 juin après-midi dans tout le pays pour demander des mesures pour l’hôpital. Soignants, para-médicaux, mais aussi citoyens solidaires se sont mobilisés à l’appel de plusieurs syndicats – CGT, Sud, Force Ouvrière ou encore Unsa – mais aussi des collectifs de soignants, Inter-urgence et Inter-hôpitaux. La mobilisation s’est manifesté dans de nombreux rassemblements. Partout en France, devant les hôpitaux, mais aussi en centre ville. 250 selon la CGT.

Plus que des promesses

À Paris, dans la foule qui s’est amassée non loin du ministère de la Santé, avenue de Ségur, les blouse blanches, bleues et roses sont souvent regroupées par hôpital et service. « On a eu des promesses et c’est tout, scande Assia, aide soignante à l’hôpital de Créteil. On n’a pas encore touché notre prime COVID à cause de difficultés administratives, même nos heures supplémentaires majorées on ne les aura qu’au mois de juillet ! On est toujours les derniers », s’agace-t-elle. Dans le petit groupe venu crier sa colère, Nadine, quarante ans de métier, touche 1.900 euros brut de salaire de base : « On veut une augmentation de 300 euros par mois ! »

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« On n’en peut plus de la gestion chiffrés et statistiques : même pendant la crise, dès qu’il y avait une petite baisse du nombre de malades, on baissait les effectifs… » dénonce Bassem, infirmier à Créteil.

Le monde d’après n’a rien changé

Un peu plus loin dans le cortège qui s’avance progressivement vers les Invalides, d’autres infirmières témoignent. Elles sont au service de dermatologie à l’hôpital Saint-Louis :

Rien n’a changé depuis la crise. La reprise est plus dure pour nous car nous continuons encore de soigner des gens, non-covid, qui ne sont pas de nos services. Nous recevons des patients plus graves, leur situation est très dégradée.

Et les moyens manquent toujours…

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Dans la foule, on peut croiser, cachés derrière leurs masques, plusieurs élus venus soutenir le mouvement. « Je suis là en total soutien à l’hôpital. Il y a une prise de conscience, la porte est ouverte mais si on ne pousse pas, on va repartir exactement comme avant, avec les mêmes prismes de lectures », prévient Gilles Poux, maire PCF de La Courneuve, en Seine-Saint-Denis.

« Globalement, le monde d’après n’a rien changé, on est toujours sur des logiques budgétaires et la direction de la performance existe toujours…, souffle le docteur De Montblanc, anesthésiste en réanimation à l’hôpital du Kremlin Bicêtre, venu lui aussi, manifester. Ils ont même relancé leur projet de création d’un nouveau bloc, plus petit, avec fermeture de lits, alors qu’on sait très bien que la population qui dépend de Bicêtre augmente. Une génération entière devra vivre avec un bloc qu’on sait déjà être sous-dimensionné », dénonce-t-il. Le docteur De Montblanc, fait par ailleurs part de sa crainte quant aux pénuries de masques et de médicaments… « On n’a plus de Curare – anesthésique – on utilise un dérivé qu’on ne connaît pas. On espère que c’est la même chose, mais la vérité, c’est qu’on en sait rien. Des équipements qu’on a commandé au début de la crise viennent tout juste de nous parvenir… »

Le ras le bol est général et les soignants et para-médicaux n’attendent pas grand chose du Ségur de la santé, censé apporter une réponse à leurs revendications. Ils tentent, tant bien que mal, de maintenir la pression pour faire valoir leurs revendications.

En fin de manifestation, des heurts ont éclatés sur l’esplanade des Invalides. Les forces de l’ordre ont d’abord submergé la foule de gaz lacrymogène, puis chargé les manifestants. En face, quelques groupes de jeunes antifas. À 18h30, la préfecture de Police de Paris annonçait 32 interpellations. Une infirmière de 50 ans a été tiré par les cheveux et menotté alors qu’elle réclamait son médicament pour soigner son asthme. Mardi soir, quelques heures après la manifestation, une mobilisation devant le commissariat du 7ème où est détenue cette infirmière, était en cours.

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