Lumière noire

Jon Savage retrace la trajectoire fulgurante de Joy Division, groupe phare du post-punk anglais.

Jérôme Provençal  • 30 septembre 2020 abonné·es
Lumière noire
© Allia

Formé par quatre jeunes hommes à peine sortis de l’adolescence, originaires de deux villes en banlieue de Manchester, Joy Division est apparu en 1977 au cœur du tourbillon punk et s’est autodétruit trois ans plus tard à la suite du suicide de son chanteur, Ian Curtis, survenu le 18 mai 1980.

D’une noirceur irradiante, les albums Unknown Pleasures (1979) et Closer (1980) constituent les deux principales traces discographiques de cette existence brève mais ô combien intense. Générant un rock sombre et anguleux, tout en fièvre latente, le groupe incarne la quintessence du post-punk anglais. Il jouit aujourd’hui d’une aura presque mythique, amplifiée par son destin tragique.

Écrit par Jon Savage, éminent critique rock anglais, Le reste n’était qu’obscurité relate l’épopée de Joy Division via un montage d’entretiens, réalisés en majorité en 2016 durant le tournage d’un documentaire consacré au groupe. Se mêlent ici les voix d’une trentaine de personnes, dont Peter Hook (basse), Stephen Morris (batterie) et Bernard Sumner (guitare), les trois anciens acolytes de feu Ian Curtis. Parmi les autres témoins du premier cercle figurent Deborah Curtis (la veuve du chanteur), Tony Wilson (le fondateur du fécond label Factory Records), Rob Gretton (le manageur de Joy Division) et Martin Hannett (producteur iconique de la mouvance post-punk).

Fragmentés, les entretiens donnent forme à un ensemble choral qui se déploie au fil de chapitres suivant un ordre chronologique – hormis le premier, « Les villes parlent », axé sur le contexte géographique et urbain. Des extraits d’articles publiés dans la presse anglaise durant la période 1977-1980 complètent le récit, par ailleurs jalonné de repères temporels (dates de concerts en particulier).

Documentant avec justesse l’arrière-plan social et politique du Manchester (et de l’Angleterre) de la fin des années 1970, le livre restitue l’effervescence de la scène musicale de l’époque et met en exergue l’alchimie idéale du quatuor. « Joy Division était un groupe parfaitement équilibré, on ne pouvait rêver mieux», déclare ainsi Peter Hook. La figure centrale en reste néanmoins Ian Curtis, comme le résume très bien Bernard Sumner : « Il a donné une direction au groupe. Ian était dans les extrêmes. Sa musique devait être extrême, tout comme sa prestation scénique ; il n’y avait pas de place pour la demi-mesure. »

Le reste n’était qu’obscurité. L’histoire orale de Joy Division, Jon Savage, traduit de l’anglais par Julien Besse, Allia, 368 pages, 22 euros.

Littérature
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