Le coronavirus est arrivé en Antarctique

Les imprudences et le tourisme menacent un territoire de 14 millions de kilomètres carrés préservé depuis 1959

Claude-Marie Vadrot  • 11 janvier 2021
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Le coronavirus est arrivé en Antarctique
© Photo : Vu aérienne de la base chilienne Gonzalez Videla dans la péninsule antarctique (Eleanor Scriven / Robert Harding Premium / robertharding via AFP)

Un millier de scientifiques et de techniciens passe chaque année l’hiver sur le continent Antarctique. Ce n’est pas nouveau, mais ils sont de plus en plus nombreux depuis le jour de 1821 où les êtres humains ont débarqué sur son sol glacé en permanence. À la fin des années 50, des milliers de scientifiques et de spécialistes des espaces polaires ont obtenu des gouvernements concernés et des autres qui n’entretenaient pas encore de base permanente sur place de signer un Traité international tentant de garantir une protection dite « de science et de paix » écartant en Antarctique toutes les activités industrielles, commerciales et militaires. Cet accord entré en vigueur en juin 1961 a depuis été signé par 54 pays.

Ce texte, accepté à la fois par les États-Unis, l’Union soviétique et la France visait avant tout à faire de la région une terre de paix. Les États reconnaissaient, qu’ils soient ou non présents « qu’il était et est encore de l’intérêt de l’humanité tout entière que l’Antarctique soit à jamais réservé aux seules activités pacifiques et ne devienne ni le théâtre ni l’enjeu de différends internationaux ». Le fait qu’il ait été adopté en pleine guerre froide fut considéré comme exceptionnel. En outre, le texte consacre non seulement la non-militarisation de l’Antarctique, mais aussi sa non-nucléarisation. À une époque où les nations nucléarisées rêvaient déjà d’y aménager un espace où il serait possible d’y entasser, à l’écart des humains tous les déchets nucléaires issus des recherches militaires et des centrales civiles que préparaient déjà de nombreuses nations. De plus un article de l’accord organisait le gel des prétentions territoriales qui étaient émises en 1959 par l’Argentine, l’Australie, le Chili, la France, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et la Grande-Bretagne.

Des dizaines de milliers de riches touristes

Actuellement, les scientifiques occupent une quarantaine de stations plus ou moins grandes, plus ou moins occupées et accueillant un personnel d’une seule nationalité ou bien multinational. Mais personne, surtout pour la Russie et les États unis, ne vérifie que toutes les obligations du Traité de 1959 sont respectées. D’autant plus que le développement du « tourisme polaire » incite les sociétés de tourisme, qui organisent les croisières dont les prix sont de plus en plus pharamineux, à recourir à des bateaux de plus en grands. La limitation du débarquement à cent touristes à la fois ne supprime pas le danger des contaminations puisqu’il suffit de débarquer les cargaisons de visiteurs en plusieurs fois. Et l’interdiction faite à deux bateaux de croiser dans le même espace maritime au large de l’Antarctique est de moins en moins respectée. Trouver des solutions est très urgent puisqu’en 2019, 74.401 touristes sont venus faire du tourisme sur les côtes de l’Antarctique.

Donc après avoir pendant des dizaines d’années plus ou moins réussi à éviter la prolifération des rats, des chats et même des vaches, les « habitants » de ce « continent » d’un peu plus de 14 millions de kilomètres carrés doivent se garder des virus et plus particulièrement du Corona. Dans un ouvrage publié il y a quelques jours par un éditeur américain, le photographe franco-américain Sebastian Copeland (1), révèle, dans son livre consacré à l’Antarctique, que les scientifiques ont perdu leur pari le 21 décembre 2020 : à la suite d’une mission de ravitaillement le Sargento Aldea, a contaminé au Coronavirus une quarantaine de personnes de la base chilienne « Général Bernardo Riquelme ». Nul ne sait comment faire pour éviter que le virus ne gagne progressivement l’Antarctique et que des bases scientifiques doivent être abandonnées…

(1) The Antarctica: The Walking Giant, préfacé par Léonardo DiCaprio, édition Rizzoli

Santé
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