« Pour un art radiophonique » de Paul Deharme : ondes textuelles

Dès 1930, Paul Deharme livrait un récit à la fois rigoureux et malicieux sur la mise en mots des œuvres radiophoniques, aujourd’hui réédité.

Pauline Guedj  • 21 septembre 2022 abonné·es
« Pour un art radiophonique » de Paul Deharme : ondes textuelles
© Photo : Eric Nopanen Unsplash.

La lecture de Pour un art radiophonique, publié pour la première fois en 1930, est une expérience aussi déroutante qu’enthousiasmante. Déroutante pour la forme du texte. Celui-ci multiplie les renvois, les notes et les témoignages. Sa structure, qualifiée par l’auteur de « gauchement fabriquée », se déroule comme un jeu entre rigueur et fantaisie, malice et scientificité.

Pour un art radiophonique, Paul Deharme, éditions Allia, 112 pages, 12 euros.

Enthousiasmant, ensuite, le texte de Deharme l’est quant à ses objectifs. Pour l’auteur, il s’agit de proposer une théorie de l’adaptation radiophonique et de décortiquer les procédés souhaitables pour élaborer des œuvres destinées spécifiquement à ce mode de diffusion. Ce faisant, Deharme allie analyse de la réception, réflexion sur le langage et véritable méthode destinée à créer des textes pour la radio.

Empreint de références à la psychanalyse, de comparaisons avec le théâtre et le cinéma, Pour un art radiophonique transforme l’auditeur en réceptacle actif d’une nouvelle littérature, d’une forme de performance inédite et, par là même, d’une expression artistique originale. L’auditeur est un rêveur éveillé qui, grâce au pouvoir des mots, « se fournit lui-même ses images », en opposition au spectateur de théâtre, pour qui « on les prépare ».

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À la fois désuet et moderne

Les ondes créent chez lui des images « analogues à celles des rêves », autant de clichés constitués par la compréhension des mots, et qui font de celui qui écoute un créateur, metteur en scène et monteur.

L’essai déroule une série de préceptes – la nécessaire identification de l’auditeur avec le personnage principal, le recours aux masques vocaux permettant de moduler voix et registres, l’utilisation de la musique, l’emploi du présent de l’indicatif, le choix, prôné par l’auteur, d’opter pour un récit chronologique – qui, s’ils sont suivis à la lettre, permettraient de créer des œuvres à part entière.

Visant à déconstruire les logiques de l’adaptation et à résoudre l’équation entre sons, mots et images, récits, perceptions et sensations, le texte de Deharme apparaît à la fois désuet et moderne. Si la radio offre rarement les richesses littéraires promises dans les années 1930, des podcasts semblent désormais porter cette ambition, le cinéma continuant de poser, lui, les questions soulevées par l’auteur. Pour un art radiophonique est un texte dont la réédition remet au goût du jour des interrogations qui jamais n’auraient dû nous quitter.

Littérature
Temps de lecture : 2 minutes