Sommet citoyen : « Désobéir, car nous sommes en situation d’autodéfense »

La société civile a rendez-vous tout le week-end à Montreuil pour un sommet citoyen sur le climat, à suivre en continu sur Politis.fr.

Erwan Manac'h  • 5 décembre 2015
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Sommet citoyen : « Désobéir, car nous sommes en situation d’autodéfense »

Pour faire entendre sa voix en marge de la COP21 , où 195 délégations internationales négocient un accord global de lutte contre le réchauffement climatique, la société civile se réunit pendant deux jours à Montreuil (Seine-Saint-Denis), pour un Sommet citoyen.

Un forum social dédié au climat cohabite dans les rues du centre-ville avec un imposant village des alternatives.

L’agriculture paysanne à l’honneur

12h30 : La « grande parade » déambule autour du village des alternatives et dans le marché paysan installé par la confédération paysanne.

Après un court mot introductif d’une représentante d’Alternatiba, la parole est donnée aux représentants de Via Campesina, mouvement international de paysans.

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« Nous sommes les principales victimes des catastrophes climatiques. Victimes d’un système injuste, cruel, patriarcal et non-solidaire. Nous ne laisserons pas des personnes en cravate décider de nos vies et du sort de la terre. La nature peut vivre sans nous, mais nous ne survivrons pas sans elle , clame la représentante de Via Campesina. Il faut agir au niveau local et nous solidariser au niveau global, c’est pour cela que Via Campesina lutte. »

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À quelques centaines de mètres du village des alternatives, dans les salles de classe du lycée Jean Jaurès, se tiennent au même moment les ateliers du « Climat forum », organisés par une pléiade d’ONG et de mouvements du monde entier.

Aux côtés d’un mouvement de retraités norvégiens et de jeunes Danois, le CCFD-Terre solidaire fait le plein avec une conférence sur les alternatives à l’agro-business, réunissant des témoins du monde entier.

En Colombie, l’agro-industrie a provoqué l’accaparement de 6,5 millions d’hectares de terre, « la plupart du temps utilisées pour la production paysanne » , rapporte un témoin latino-américain, pointant les méfaits de la culture extensive de palmier à huile.

Massa Koné, représentant de la convergence malienne contre l’accaparement des terres dresse également un constat implacable concernant l’Afrique de l’Ouest :

« Plus d’un million d’hectares ont été donnés à des multinationales sous forme de permis d’exploitation des sols, des centaines de milliers d’hectares de forêts sont mis entre les mains d’entreprises et les villageois n’ont même plus le droit l’aller y ramasser du bois mort. Des villages entiers sont désertifiés et nous sommes obligés de rejoindre les villes , déplore-t-il. Tout cela est fait pour qu’il y ait la guerre. Ils veulent qu’on prenne les armes. »

16h: Une foule importante déambule dans les allées du forum, où de nombreuses animations ont été organisées. «On en oublierait presque que les négociations piétinent au Bourget !» , sourit une participante.

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«Situation d’autodéfense»

17h: Geneviève Azam, membre d’Attac, intervient lors de l’atelier programmé par Alternatiba, résolument tournée vers la désobéissance civile.

« Nous assistons à une fuite en avant dans les grands projets industriels, appuyés par des lobbies puissants, face auxquels nous n’avons plus de recours, déplore l’économiste. C’est pour cela que nous devons désobéir. Nous devons désobéir ensemble, de façon lucide, résolue et massive, car nous sommes en situation d’autodéfense » , ajoute-t-elle, estimant que la semaine de mobilisation qui s’ouvre sera un moment important de désobéissance.

Geneviève Azam (à droite). - EM.
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18h: Quelques-uns des renoncements de François Hollande tapissent le sol du sommet :

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« Moi, ennemi de la finance » ; « Préserver le repos dominical… J’y veillerai ! » ; « Je mettrai en place la contribution climat-énergie aux frontières de l’Europe » ; « Je salue les entreprises françaises bien placées dans l’exploitation du pétrole issu des sables bitumineux ».

«Nouvelles ségrégations sociales»

Gustavo Petro - EM.
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20h: Le maire de Bogota, Gustavo Petro, est intervenu à l’invitation de la coalition internationale de l’habitat. « La société voit sa mort en face — car c’est de cela qu’il s’agit avec le changement climatique —, mais les États sont incapables de changer » , juge-t-il. « Nous atteignons les limites du système capitaliste » .

Dans sa ville, témoigne-t-il, le changement climatique « génère de nouvelles ségrégations sociales, car les plus pauvres sont obligés de s’installer dans les zones polluées ou là où le risque lié à l’environnement est le plus élevé. Cela intensifie nos luttes » , conclut-il.

21h: Les stands du village mondiale des alternatives ont été repliés et les rues du centre-ville de Montreuil ont retrouvé leur calme. Une foule jeune et festive prolonge la soirée devant la scène et à la buvette du chapiteau central d’Alternatiba, où sont vendus des repas végétariens.

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Dimanche

11h: Le village mondiale des alternatives se réinstalle.

Le fléau de l’artificialisation des terres

11h30 : Les Amis de la confédération paysanne tiennent un atelier sur les ZAD, autour d’un constat alarmant sur le phénomène d’artificialisation des terres agricoles, décliné en quelques chiffres :
-* 50 000 à 60 000 hectares de terres agricoles sont détruites chaque année. Cela représente l’équivalent d’un département français tous les sept ans, ou encore 19 m2 par seconde.

-* L’Europe importe chaque année une quantité de nourriture représentant 35 millions d’hectares de terre , soit 20 % de sa propre surface agricole. Nous sommes loin, donc, d’une situation d’indépendance alimentaire.

Le modèle agro-industriel entraine également en France une diminution du nombre d’exploitants agricoles, qui s’accompagne de l’émergence de grands exploitants « sociétaires » au détriment des exploitants familiaux. Dans le même mouvement, la culture industrielle provoque une perte de fertilité des sols. Depuis 1989, les rendements du blé stagnent en Espagne, racontent ainsi les Amis de la Conf ‘.

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« Notre-Dame-des-Landes est une lutte phare qui a entrainé toutes les autres. L’État a très bien compris le danger que nous représentions et tente aujourd’hui de nous faire passer pour des « anti-tout » » , s’inquiète un intervenant lors du débat sur la convergence des luttes locales pour les terres agricoles.

Assemblée des « faucheurs de chaises »

12h30: Les 196 chaises « fauchées » ces dernières semaines dans les banques pratiquant l’évasion fiscale font une entrée solennelle sur la place Jean Jaurès, au centre du village des alternatives. 196 représentants des mouvements mondiaux pour la justice climatique s’y assoient pour écouter les principales revendications du mouvement, initié en février par le mouvement basque Bizi.

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Lire > Évasion fiscale : Hold-up pour hold-up

Parmi les faucheurs de chaises, le cofondateur de Nouvelle donne, Pierre Larrouturou. - EM.
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Une danse basque a ouvert l’événement, en guise de clin d’oeil aux origines du mouvement de réquisition de chaises et d’Alternatiba, lancés par l’association basque Bizi.

L’assemblée se clôture avec une chanson de HK et les saltimbanks, « sans haine, sans armes, sans violence », pour la désobéissance civile.

Pour un mouvement climatique durable

17h: Réunies pour un meeting de clôture, plusieurs figures du mouvement climatique dessinent les perspectives d’un mouvement durable pour la justice climatique. Un consensus se dégage pour « ne pas reproduire les erreurs de 2009 » . L’échec du sommet climatique de Copenhague avait plongé le mouvement climatique mondial dans la déprime. « Une lutte vaste et progressive commence ici à Paris », lance Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace, avant de citer Gandhi :

« D’abord, ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, puis ils vous combattent et enfin, vous gagnez. »

*
« Ajourd’hui, ils nous combattent. Cela veut dire que nous allons gagner »* , conclut Kumi Naidoo.

Kumi Naidoo à la Parole errante, Montreuil. - Patrick Piro / Politis
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17h30: Anabella Rosemberg, conseillère climat pour la Conférence syndicale internationale, explique pourquoi le mouvement syndical doit rallier massivement la lutte contre le changement climatique :

« La justice climatique est aussi une justice pour les travailleurs, parce qu’on voit que le dérèglement climatique va détruire tout ce que le mouvement syndical a conquis : protection sociale, droits des travailleurs, etc. »

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La conférence de clôture se termine, comme chaque moment clé du sommet citoyen, par une prise de parole de représentants de Via Campesina suivi d’un moment musical.

Temps de lecture : 10 minutes
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