Des démocraties à épithètes

Rémy Artignan  • 5 avril 2007 abonné·es

La représentation est en crise, paraît-il : fossé social entre le peuple et ses élus ; fossé idéologique aussi, avec le « non » du 29 mai 2005… Mais, soixante ans après le bon mot de Churchill, la démocratie (ou « le pire des systèmes à l’exception de tous les autres » ) semble rester l’horizon indépassable de l’idéal politique. Du coup, (re)fleurissent des propositions visant à associer le peuple aux mécanismes du pouvoir.

Traditionnellement, les manuels opposent démocratie représentative et démocratie directe. L’une se base sur une délégation des pouvoirs du peuple à des représentants élus, l’autre sur un pouvoir exercé par tous les citoyens au travers d’assemblées ou de referendums d’initiatives populaires. En réalité, la plupart des démocraties sont dites « semi-directes » car elles mobilisent les deux systèmes. C’est le cas de la France, dans laquelle « la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants ou par la voie du référendum » (Constitution de 1958). Mais, dans les faits, la consultation directe des Français reste exceptionnelle.

Parmi les pistes d’évolution, la démocratie « délibérative » entend remettre au centre de l’action publique un processus de discussion associant les citoyens, ce qui pose quelques problèmes lorsque le territoire est vaste. Qu’à cela ne tienne, la démocratie dite « locale » consiste à créer des outils permettant des décisions citoyennes dans un espace allant de la commune au département. Elle a d’ailleurs déjà trouvé une expression juridique dans la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, qui rappelle comme « principe essentiel de la démocratie locale » le « droit des habitants de la commune à être informés […] et à être consultés » . Ambition réduite, donc, puisque l’information sur des décisions déjà prises et la consultation des citoyens sur un projet dont les grandes orientations sont déjà définies ne relèvent aucunement d’un transfert de pouvoir. Dernière épithète en date, la démocratie « participative ». Datant des années 1960, la formule a évincé celles de démocratie directe et d’autogestion. La « campagne participative » de Ségolène Royal a emprunté à cette idée, avec plus de forme que de fond. Ainsi en annonçait-elle le lancement, au JT de TF 1, le 20 novembre : « Après cette phase d’écoute où les gens ont le sentiment d’avoir participé aux décisions qui les concernent […], le responsable politique décide, il choisit. » De suivre ou non l’avis du peuple, en somme…

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