Secrets de cuisine

Jean-Claude Brisseau, Robert Guédiguian et Ken Loach donnent quelques éclairages sur la fabrication de leurs derniers films, aujourd’hui édités en DVD.

Christophe Kantcheff  • 3 mai 2007 abonné·es

Grâce à l’invention du DVD, et surtout des bonus qui accompagnent les films, le spectateur peut entrer beaucoup plus qu’hier dans la cuisine des cinéastes (encore que le livre d’entretiens d’Hitchcock par Truffaut reste, dans le genre, un sommet). C’est souvent décevant ­ le making off est un exercice difficile à ne pas traiter avec désinvolture ­, parfois passionnant. C’est le cas ici autour de trois films récemment édités en DVD, qui ne sont pas anodins : Le vent se lève de Ken Loach, le Voyage en Arménie de Robert Guédiguian, et les Anges exterminateurs de Jean-Claude Brisseau.

En fonction du type d’entretien et du cadre de la discussion, celle-ci colle plus ou moins au film qui en est le prétexte. Les propos de Jean-Claude Brisseau, accompagné pour l’occasion de Lisa Garcia, sa décoratrice, costumière et monteuse, portent exclusivement sur la fabrication des Anges exterminateurs . Interrogé par le critique Philippe Rouyer, Brisseau détaille notamment la manière dont il travaille avec ses comédiens ­ majoritairement de jeunes comédiennes ­ pour les scènes traditionnelles, comme pour les scènes de sexe, dont la mise en scène était l’un des enjeux majeurs. À propos de ses trois héroïnes qui, au moment sexuel le plus intense, sont réunies dans le même lit, il s’exclame : « Comment se démerder pour que le regard du spectateur puisse se porter sur les trois, pour que les actrices ne se masquent pas ? Il fallait régler leurs mouvements pour qu’elles se sentent plus libres. »

Pour le Voyage en Arménie , l’entretien avec Robert Guédiguian est extrait d’une émission de France Culture, animée par Frédéric Mitterrand. Le cinéaste de l’Estaque y réitère son credo sur le travail avec les comédiens ­ « jamais de répétition » ­, et précise le sens de la distanciation brechtienne, dont il souligne l’erreur de traduction :* « Il ne s’agit pas à proprement parler d’une distanciation. Mais le théâtre, selon ce concept, est là pour rendre le monde étrange (Verfremdungseffekt), c’est-à-dire qu’il s’agit d’aller derrière les apparences du monde pour essayer de l’expliquer. » </>

Robert Guédiguian, on le retrouve dans les compléments du Vent se lève . Est en effet proposé en bonus l’essentiel d’une rencontre entre Ken Loach et l’auteur de Marius et Jeannette , qui eut lieu lors d’une « masterclass » (le terme ne convient pas aux deux cinéastes) organisée à la Fnac. Il s’agit en réalité d’un exercice d’admiration du Français envers l’Anglais, et d’explication : Guédiguian ayant choisi des extraits de films dans l’oeuvre de Loach. La rencontre est belle. Loach, homme simple et pudique, raconte avec humour ses tournages, en particulier la manière dont il a choisi l’actrice principale de Family Life ( « on l’a trouvée dans les bureaux du parti conservateur » ). Et soudain, il ne peut contenir son émotion en repensant à la lettre de l’assistante sociale à l’origine de Ladybird , cette femme à qui son enfant est retiré. Comme le dit Robert Guédiguian à propos du Voyage en Arménie : « Les films nous habitent encore lontemps après qu’ils ont été réalisés. »

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