Beau voyage

Le musée du Quai-Branly présente Tartit, un ensemble touareg formé dans un camp de réfugiés.

Denis Constant-Martin  • 14 juin 2007 abonné·es

L’une des chanteuses de Tartit le dit clairement : si chanter est un plaisir en toutes circonstances, le fait de se produire sur une scène européenne permet de gagner de l’argent qui, au pays, peut-être très utilement employé. La mode des « musiques du monde » multiplie ces transferts, et c’est sans doute un de ses aspects positifs. Mais elle a entraîné une circulation accélérée des musiques qui implique, pour des artistes non professionnels dans leur société d’origine, un passage au spectacle qui ne se fait pas toujours sans dommages. Les musiques doivent en effet être formatées pour s’adapter à la scène et au temps du concert ou du disque.

L’histoire du groupe Tartit explique pourquoi il a réussi à négocier le passage du chant communautaire au spectacle. Les guerres et les sécheresses qui ont dévasté les zones où habitent les Touaregs ont provoqué le regroupement de beaucoup d’entre eux en camps de réfugiés. Une Belge travaillant dans l’un de ces camps entendit des femmes chanter et leur demanda de participer au festival Voix de femmes à Liège. Elles se concertèrent, se mirent en relation avec l’une des leurs habitant déjà la Belgique, et convainquirent un griot de se joindre à elles.

Tartit s’est donc formé pour l’Europe. Mais l’esthétique du chant demeure celles des villages et des campements : alternance entre soliste et choeur, timbres riches à forte nasalité, coloration par des cris, des coups de glotte qui donnent un relief puissant aux interprétations, rythmes solidement frappés sur des tambours. Le répertoire comprend des chansons anciennes et d’autres récentes traitant de sujets actuels qui expriment l’aspiration à la paix et au mieux-vivre. Le façonnage de la musique touareg pour la scène et le disque entrepris par Tartit préserve l’essentiel des formes et leur donne une dimension émotive que l’auditeur, d’où qu’il vienne, ressent.

Culture
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