Crise à la Cnil

Christine Tréguier  • 26 juillet 2007 abonné·es

Depuis la sortie début juillet du rapport 2006 de la Cnil (Commission nationale informatique et libertés), son président, Alex Turk, se dépense sans compter pour alerter le gouvernement et l’opinion publique sur l’indigence de moyens de l’autorité indépendante. Crise d’autant plus inquiétante qu’elle va de pair avec la démultiplication de la vidéosurveillance, des fichiers administratifs ou privés, des systèmes de contrôle d’accès type carte RFID ou lecteur d’empreintes biométriques, et avec la collecte et la revente proprement anarchiques des données personnelles générées par la moindre transaction.

Le problème n’est pas nouveau, mais il s’aggrave. En 2006, un amendement de la Commission des Finances, finalement retiré, avait bien failli amputer le budget de la Cnil de 50 %. Une bien curieuse initiative à une époque où elle venait de soigner son déficit grâce à une dotation d’urgence. Jean-Pierre Raffarin avait ensuite promis une mission de réflexion sur le financement des autorités administratives indépendantes, mission dont on attend toujours qu’elle commence ses travaux.

Bon gré, mal gré, la Cnil fonctionne avec un budget de 9,8 millions d’euros et un effectif de 100 personnes. Maigre, si on le compare aux 400 employés de son homologue allemand ou aux 250 en Angleterre. Car la Cnil a du pain sur la planche, son rapport en atteste : 73 800 nouveaux fichiers déclarés en 2006, 3 572 plaintes émanant de particuliers rencontrant des difficultés à exercer leurs droits, 1 600 demandes d’accès indirect aux fichiers dits de sûreté (police, gendarmerie, renseignements généraux, etc.), 127 contrôles et 11 sanctions financières. Et plus Alex Turk lance ses « alertes à la société de surveillance » , plus les demandes affluent. Ainsi, en un semestre, la Cnil a reçu autant de demandes d’accès aux fichiers de sûreté qu’en 2006. Elle accuse déjà, dans ce domaine où elle est l’unique vecteur du contrôle citoyen, un retard de 3 000 demandes. Une explication à cela : de l’aveu même de M. Turk, une seule personne est actuellement en charge de ces procédures.

Alors, augmenter les moyens et les effectifs de la Cnil ? Oui, mais dans quelles proportions ? Combien de personnes faudrait-il pour vérifier les millions de fiches du Stic ou contrôler le bon usage des centaines de systèmes biométriques déjà mis en oeuvre ? Combien pour s’assurer que les dizaines de milliers de caméras de surveillance ne sont pas utilisées à d’autres fins que celles annoncées ? Même en triplant ses effectifs, le pouvoir de contrôle de la Cnil semble bien dérisoire.

Temps de lecture : 2 minutes