Pillage de matière grise

Le rapport 2007 des Nations unies sur les pays les moins avancés dénonce l’exode des compétences, qui freine le développement.

Pauline Graulle  • 19 juillet 2007 abonné·es

Entre les guerres et les famines, il est difficile d’imaginer l’Éthiopie, le Soudan, le Bangladesh ou Haïti se préoccuper en plus de leur intelligentsia. Pourtant, pour la Cnuced [^2], c’est la seule politique à mener par les pays les moins avancés (PMA) pour avoir une chance de se développer. « À moins d’adopter des mesures visant à favoriser un rattrapage technologique vis-à-vis du reste du monde, les PMA continueront d’être à la traîne dans ce domaine et seront de plus en plus profondément marginalisés dans l’économie mondiale » , souligne l’organisation dans son Rapport 2007 sur les pays les moins avancés , qui paraît aujourd’hui.

L’étude épingle une mondialisation inéquitable dans laquelle les pays les plus pauvres ne possèdent pas les moyens de rivaliser avec les pays riches [^3]. Car, pour diversifier l’économie, renforcer les capacités productives et ainsi « tirer parti des possibilités qui s’offrent à eux lorsque d’autres pays leur ouvrent leurs marchés » , les PMA doivent empêcher la fuite de leurs « cerveaux » et retenir leur main-d’oeuvre qualifiée. « L’exode des compétences » constitue l’un des obstacles majeurs du développement des PMA. C’est même « l’une des questions les plus importantes » à long terme. Ces pays, qui « ont libéralisé de manière rapide et profonde le commerce et l’investissement » , doivent désormais combler le fossé technologique qui les sépare des pays développés afin de réduire la pauvreté de leurs 767 millions d’habitants. L’apprentissage et l’innovation apparaissent alors comme des conditions sine qua non à leur développement. À quoi bon avoir accès aux marchés internationaux si l’on ne peut y être compétitif ? Pour que la concurrence puisse être loyale, les PMA doivent donc miser « de manière croissante [sur] des connaissances plutôt que [sur] des avantages comparatifs statiques tirés des ressources naturelles » .

La Cnuced appelle de fait les gouvernements locaux des PMA à privilégier des politiques d’amélioration du capital humain. Ainsi, « on estime que 30 à 50 % des habitants des pays en développement qui ont une formation scientifique et technologique (y compris les personnes venant de PMA) vivent dans les pays développés, ce qui est une très forte proportion. Cela a des répercussions directes sur la base de qualifications de ces pays, leur capacité d’assimilation et leurs possibilités de rattrapage technologique ». Aussi, est-ce dans une optique concertée de partenariat entre pays riches et pays pauvres que doivent évoluer les problématiques de l’immigration. C’est bien là l’une des thèses sous-jacentes du rapport : après avoir pillé les matières premières des pays pauvres, les pays les plus riches devront renoncer à piller leur matière grise.

[^2]: La Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced) a été créée en 1964 à l’initiative de 75 pays du Sud. Très critique à l’égard de l’ultralibéralisme, cet organe de l’ONU, qui publie de nombreux rapports sur les pays les plus pauvres de la planète, plaide pour des échanges mondiaux plus équilibrés.

[^3]: Le Rapport 2007 sur les PMA a pour thème « Savoir, apprentissage technologique et innovation dans la perspective du développement ».

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