« La force de la classe dominante réside dans le collectivisme »

Dans leur nouvel essai, les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot montrent comment la grande bourgeoisie constitue une classe consciente de son pouvoir et cultivant la solidarité avec ses semblables.

Jean-Baptiste Quiot  • 20 septembre 2007 abonné·es

En quoi l’utilisation de l’espace est pour la grande bourgeoisie un outil puissant de sa domination ?

Michel Pinçon : La maîtrise de l’espace permet tout d’abord de pouvoir choisir son entourage. Que ce soient pour les milieux résidentiels ou les espaces consacrés aux loisirs ou aux vacances, la grande bourgeoisie sélectionne toujours des espaces spécifiques. À Paris, ce sont les VIe, VIIe, VIIIe et XVIe arrondissements ainsi que Neuilly et le sud du 17éme qui constituent un regroupement spatial des riches extrêmement étroit et extrêmement fort. Et pour lequel on peut parler de ghetto. Ce fait ne se retrouve pour aucune autre catégorie de la population, sauf éventuellement pour certaines communautés émigrées. Monique Pinçon-Charlot : Le pouvoir social est indissociablement un pouvoir sur l’espace et sur le temps. Les beaux espaces sont des espaces pérennes qui ont pour vocation de durer des générations et des générations et de se transmettre au sein des mêmes dynasties familiales. Cette pérennité donne un pouvoir symbolique supplémentaire à l’aristocratie de l’argent.

Le phénomène de cooptation est systématiquement usité chez les bourgeois. MEDINA/AFP

Vous parlez d’une domination « violente » de l’espace.

M.P. : La domination de l’espace est en effet violente car certaines catégories de la population sont tenues à distance. C’est l’exemple de Paris qui concentre tous les pouvoirs. Progressivement et par pression immobilière les classes populaires en sont donc écartées. C’est redoubler dans l’espace la domination économique. M.P.-C. : La violence se manifeste aussi à plus petite échelle. Boulevard Maurice Barrès à Neuilly, à deux pas de chez Nicolas Sarkozy, nous avons remarqué une entrée de service très significative. Il y était inscrit « entrée de service au bas de la rampe ». La hiérarchie est claire, avec un « bas » et un « haut » : c’est chacun à sa place. Une autre violence, c’est la lutte contre les Hlm à Neuilly. C’est en effet dans cette ville que l’on trouve le plus faible niveau de logement social : 2,6 % au lieu des 20 % exigés par la Loi SRU. Et ceci alors que ces communes touchent de plus en plus de taxes professionnelles. Même sur les quelques chantiers de

Envie de terminer cet article ? Nous vous l’offrons !

Il vous suffit de vous inscrire à notre newsletter hebdomadaire :

Vous préférez nous soutenir directement ?
Déjà abonné ?
(mot de passe oublié ?)
Temps de lecture : 10 minutes