Malvenus chez nous !

Médecins du monde épingle la France dans un rapport sur la situation des Roms. Ils ne bénéficient pas des mêmes droits que les autres citoyens de l’Union et connaissent souvent des conditions de vie indignes.

Xavier Frison  • 15 novembre 2007 abonné·es
Malvenus chez nous !
© Médecins du monde :

Généreuse idée que celle de l’Europe des peuples. Célébrée à coup d’échanges d’étudiants, de collaborations industrielles ou de «~prêts~» de diplomates, la fraternité entre les 27 pays de l’Union européenne porte beau. Sauf, peut-être, quand il s’agit d’accueillir de nouveaux citoyens au profil dérangeant. Les huit à douze millions de Roms d’Europe centrale, des Balkans et des autres pays européens sont de ceux-là. Leur statut de citoyens de seconde zone en France est sévèrement épinglé dans le dernier rapport de Médecins du monde (MDM) sur la question, Les Roms que l’Europe laisse à la porte . Des quatre coins du pays, entre juin et septembre 2007, l’ONG a ainsi décortiqué et retranscrit le quotidien d’un public plus habitué à souffrir en silence. Construit à partir de centaines de témoignages recueillis auprès des populations «~les plus défavorisées~» du continent, le document révèle en creux l’hypocrisie des pouvoirs publics et le non-respect répété de lois censées s’appliquer à tous.

Illustration - Malvenus chez nous !


Expulsion de Roms à Vénissieux, le 28 août.
PACHOUD/AFP

« Quel que soit le pays où ils résident, les Roms sont victimes de stéréotypes négatifs et porteurs d’une image extérieure dévalorisante~» , rappelle en préambule MDM. Le plus souvent «~exclus des droits fondamentaux~» , certains d’entre eux choisissent l’exil, dans l’espoir de se construire un avenir meilleur. Pour ceux-là, la désillusion est grande. Les conditions de logement, en premier lieu, naviguent entre «~précarité et insalubrité~» . Si la moitié des personnes interrogées vivent en caravanes, souvent incapables de rouler, l’autre moitié se contente de squats aménagés ou, pire, de cabanes improvisées. Évidemment *, «~on note une absence quasi-totale d’aménagement »~: ni ramassage des ordures, pas d’accès à l’eau potable, raccordements électriques inexistants. À cela s’ajoute* «~la forte pression~» des autorités et propriétaires de terrains, bien frileux à l’idée d’accueillir des Roms. Les nombreuses expulsions qui en résultent provoquent de graves ruptures dans la prise en charge médicale ou la scolarité des enfants.

À Strasbourg, un terrain situé sous une autoroute fonctionne ainsi « sans électricité, sans eau potable, sans sanitaires » . Dans ce « bidonville » fréquemment inondé, où vivent 32 personnes, « les rats pullulent » . Madame C. ne peut conserver la moindre nourriture, « sinon les rats viennent dans les caravanes. J’ai peur pour les enfants ».

La libre circulation des ressortissants roumains et bulgares, pays à fortes minorités roms, est tout aussi incertaine. Et ce, malgré l’adhésion de ces deux pays à l’Union le 1er janvier dernier. Si, depuis le 22 décembre 2006, une distinction est faite selon la durée du séjour (plus ou moins de trois mois), la date d’entrée sur le territoire ne peut plus être précisée sur le passeport. En résulte un « flou juridique sur les modalités de séjour et les mentions légales qui en découlent » . Quant aux aides au retour, elles ne règlent rien~: « Les départs se font dans la précipitation, et le manque d’accompagnement social professionnel sur place ne permet pas la réalisation de projets », pointe Médecins du monde. Même flou artistique pour l’accès au travail~: Roumains et Bulgares doivent louvoyer entre une période transitoire très restrictive de deux à sept ans et le risque d’expulsion induit par le travail illégal.

Les enfants ne sont pas mieux lotis. Si, en France, la scolarisation est théoriquement obligatoire pour tous les mineurs âgés de 6 à 16 ans, dans la pratique, l’accès à l’école pour les enfants roms se fait « au bon vouloir des élus locaux » . La mairie de Saint-Ouen, mollement « sensibilisée » par une inspection académique bien timide, refuse ainsi d’inscrire une trentaine d’enfants roms depuis janvier 2007.

Au rayon santé, le tableau n’est guère plus réjouissant. Les Roms roumains et bulgares devraient pouvoir bénéficier des mêmes droits en matière de couverture maladie que les ressortissants anglais ou espagnols, par exemple. Mais le législateur a plus d’un tour dans son sac. La transcription « in extremis » d’une directive européenne et l’inscription dans la loi sur le droit au logement opposable d’un article bloquant l’accès à la couverture maladie universelle ont opportunément permis d’écarter les familles roms de cette assistance sanitaire pourtant indispensable. Devant la gravité de la situation, Médecins du monde demande l’amélioration des conditions sanitaires et de l’accès aux soins, l’arrêt de la « logique d’expulsion » et une vraie politique d’intégration sociale des familles, par le biais de la scolarisation des enfants et l’accompagnement à l’emploi. Reste à trouver une oreille gouvernementale attentive à ces doléances.

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