Contre nature
dans l’hebdo N° 991 Acheter ce numéro
Le vieux Roger, mon voisin, qui chaque jour fait le tour de sa mare, me l'a assuré : les grenouilles ont pondu. « Et quand les grenouilles ont pondu, l'hiver est fichu. Enfin, c'est ce que disaient les anciens ! » Paraît aussi qu'on a vu (et entendu) remonter les grues, pas loin d'ici, et ça ne trompe pas. C'est donc que cette année, dans ce coin de France où je vis, on n'a pas eu d'hiver, ou presque pas. De la pluie, de la brouillasse, du vent mauvais, oui, mais pas de neige. Et depuis trois semaines, du soleil, du soleil, comme s'il en giclait !
Les nuits sont froides encore, et le matin, on ouvre les volets sur une campagne blanche de givre, avec des lambeaux de brume encore pris dans les branches des bouleaux, en face, sur la colline.
Ça ne dure pas : dès le coup de 9 heures, il fait bon s'asseoir au soleil et y réchauffer ses vieux os. Avec dans la tête les vers d'Aragon, bercés dans la musique de Léonardi, une merveille du répertoire que les plus grands ont chantée [^2] : « Il fait beau à n'y pas croire/Il fait beau comme jamais/Quel temps quel temps sans mémoire/On ne sait plus comment voir/Ni se lever ni s'asseoir/Il fait beau comme jamais/C'est un temps contre nature/Comme le ciel des peintures/Comme l'oubli des tortures/Il fait beau comme jamais ! » Il fait beau, mais de ce printemps trop précoce ne faudrait-il pas s'inquiéter ?
(C'était ma contribution bucolique à l'ambiance rurale de cette semaine où l'agriculture tenait salon : ce n'est pas donné à tout le monde de se faire traiter de pauv' con par un président de la République en exercice.)
DE LA VIGILANCE
Dans le vif débat qui oppose deux confrères que je connais bien (deux fougueux, ce qui n'est pas une critique, tant les mous du genou sont nombreux dans le métier !) : Jean-François Kahn et Jean-Michel Aphatie [^3], au sujet de « l'appel à la vigilance républicaine » lancé par Marianne , je suis tenté de jouer les Salomon. De les renvoyer dos-à-dos.
Disons d'abord ma réserve de principe pour une
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