« La division interpalestinienne ne sert qu’Israël »

Principal conseiller d’Ismaël Haniyeh, numéro un du Hamas à Gaza, Ahmed Youssef évoque ici le dialogue interpalestinien, la solution d’un État palestinien dans les frontières de 1967 et la réorganisation des services
de sécurité.
Aux antipodes
de l’image
du Hamas
dans les médias occidentaux.

Eugénie Rébillard  • 3 avril 2008 abonné·es

Illustration - « La division interpalestinienne ne sert qu’Israël »


Ahmed Youssef
KATIB/GETTY IMAGES/AFP

Où en est actuellement l’initiative yéménite en faveur d’un retour au dialogue Fatah-Hamas ?

Ahmed Youssef : Ce à quoi nous sommes arrivés ­ et que l’on nomme la déclaration de Sana’a ou l’accord de Sana’a ­ est une base, un cadre pour le dialogue. Nous commençons dès maintenant à travailler dans le but de résoudre le problème interpalestinien, de réunir l’ensemble des parties sur l’idée de partager le pouvoir, et sur la composition d’un gouvernement de coalition ou d’union nationale.

En ce qui concerne les élections anticipées, nous allons examiner avec les autres forces politiques si nous avons réellement besoin d’élections anticipées ou si les deux années avant les élections régulières sont nécessaires pour résoudre la situation interne. L’issue concernant cette question sera trouvée avec l’ensemble des Palestiniens.

Pensez-vous que les négociations autour de l’initiative du Yémen aboutiront à des résultats concrets ?

Il y a sans conteste une volonté de part et d’autre de régler cette situation. La division ne sert personne. Les seuls qui profitent de cet état de division sont les Israéliens. Cette division entre Palestiniens donne le prétexte à Israël de poursuivre sa politique d’isolement de la bande de Gaza de la Cisjordanie, d’extension des colonies et de confiscation des terres, autrement dit la perte de la Cisjordanie. C’est-à-dire la perte des bases du projet d’établissement d’un État palestinien dans les frontières de 1967, car il ne restera plus de territoire pour l’établissement de cet État. Si cette période de division, de rupture entre les Palestiniens dure, si l’occupation continue à confisquer les terres et à élargir l’implantation de colonies, c’est comme si nous offrions à Israël les prétextes pour se débarrasser de la solution des deux États. Cela signifie qu’Israël s’appropriera une grande partie des terres de Cisjordanie, qui dépassera les cinquante pour cent de la Cisjordanie actuelle, et donnera le reste à la Jordanie, en disant aux Palestiniens que la Jordanie est leur pays et en les incitant à aller s’y installer. La solution d’un État de substitution à la Palestine, c’est-à-dire la Jordanie, est le moteur de la politique israélienne. Quant à Gaza, elle souffrira de la poursuite de cet état d’isolement et d’embargo économique. Ainsi Israël en aura fini avec l’idée de deux États.

Il est donc impératif que tous ceux qui sont fidèles au projet national palestinien insistent pour que la période de division entre Gaza et la Cisjordanie ne dure pas davantage, et poussent à la fin de la division entre Fatah et Hamas.

Pouvez-vous nous expliquer les conditions du Hamas pour un retour à un gouvernement d’union nationale, et en particulier sur le dossier concernant l’appareil de sécurité ?

Nous n’avons pas posé de conditions au dialogue, et nous espérons que celui-ci se fera sous une égide arabe ou islamique, jusqu’à ce que nous ayons la garantie que toutes les parties concernées sont déterminées à se comprendre et à s’accorder entre elles.

Nous avons dit précédemment que l’appareil de sécurité constituait pour nous la pomme de discorde, et ce parce que cet appareil était infiltré et majoritairement dirigé par des individus agissant selon les intérêts israélo-américains.

Nous avons dit que nous voulons le reconstruire, et ce peut être sous la supervision de l’Égypte. Nous voulons que tous les membres appartenant à l’appareil de sécurité, qu’il s’agisse des services de renseignements ou de sécurité nationale, agissent sur des bases professionnelles et nationales. D’un côté, ces membres doivent avoir de l’expérience professionnelle dans le domaine de la sécurité, et, de l’autre, ils ne doivent pas être impliqués dans des affaires de corruption ou être alliés aux services israéliens. Ces conditions ne peuvent être remplies que si nous mettons en place des commissions étudiant chaque candidature. Les membres de l’appareil de sécurité doivent appartenir à l’institution et non à un parti politique. En ce qui concerne la reconstruction de l’appareil de sécurité, nous avons particulièrement besoin d’un suivi et d’une supervision de l’Égypte.

Pensez-vous que la Ligue arabe pourra avoir une influence positive sur les relations interpalestiniennes?

La plupart des présidents arabes qui ont abordé le dossier palestinien ont mentionné la discorde entre le Fatah et Hamas et ont appelé à la nécessité de l’unité palestinienne. Ils ont également insisté pour que la Ligue arabe tienne un rôle actif dans le processus de réunification des Palestiniens.

Nous souhaitons, pour notre part, que la ligue arabe ait un rôle actif, et qu’elle fasse pression pour lever l’embargo imposé sur la bande de Gaza. Nous assisterons peut-être dans les prochaines semaines aux premières mesures de la levée de l’embargo, notamment en ce qui concerne le passage des frontières avec l’Égypte.

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