Au risque de l’isolement

Le congrès fondateur du futur parti anticapitaliste se tiendra fin janvier. Les comités locaux le préparent activement et Olivier Besancenot fait plus que jamais salle comble. Mais refuse toute alliance.

Jean-Baptiste Quiot  • 13 novembre 2008 abonné·es

L’attrait du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) en gestation ne se dément pas. Olivier Besancenot a fait salle comble pour son meeting parisien, jeudi 6 novembre, à la Mutualité. La deuxième coordination nationale des comités NPA, qui se tenait le week-end dernier à Saint-Denis, a témoigné d’un processus de création dynamique et transparent. Seule ombre au tableau : le refus réaffirmé de toute alliance et de toute participation à un rassemblement large lors des élections européennes jette le ­trouble sur la stratégie du futur parti.

Illustration - Au risque de l’isolement


Lors du meeting du 6 novembre à la Mutualité. Construire « ensemble », mais pas avec n’importe qui…
Saget/AFP

« Coïncidence », selon Olivier Besancenot, le meeting de la Mutualité se tient le jour du vote des militants socialistes. « C’est un problème de location de salle » , explique le porte-parole de la LCR pendant la conférence de presse qui précède le meeting. Cette date n’a pas été retenue « en fonction des agendas des autres partis, ni à cause de l’élection ­d’Obama, ni parce que les bourses ont perdu plus de 6 points aujourd’hui » , ironise-t-il.
Plusieurs militants du NPA l’entourent à la tribune. Caroline Gaujard, 22 ans, dépasse à peine le pupitre mais exhorte avec force la salle « à construire les possibilités de la révolution ». Est-elle un des nouveaux porte-parole du NPA ? « Oh non, être porte-parole, c’est le pire truc de la terre » , avoue-t-elle. La désignation de ces autres « têtes d’affiche » devrait avoir lieu lors du congrès de fondation du NPA, qui se déroulera du 30 janvier au 1er février 2009, après le congrès de dissolution de la LCR, prévu pour le 29 janvier.
C’est précisément en vue de ce congrès fondateur que la coordination nationale des comités s’est réunie le week-end dernier, rassemblant plus de 400 délégués. L’objectif était d’établir les trois documents qui seront votés au prochain congrès, sur le programme, les statuts et l’orientation politique du NPA.
La réunion s’est déroulée selon le mode d’organisation « qui part du bas vers le haut » , souhaité en juin. Ainsi, toute la journée de samedi, les délégués étaient réunis en plusieurs commissions afin de faire remonter les amendements des comités locaux. Puis le Comité d’animation nationale provisoire (CAN), réparti en trois commissions de synthèse, a rédigé la version finale des documents en y incluant les amendements. « En l’absence de processus électif, le CAN a été désigné en juin pour représenter l’ensemble des comités. Sur la centaine de militants qui le compose, seul un tiers appartient à la LCR » , rappelle Thibaud, 19 ans, du comité de Bordeaux, et lui-même membre du CAN. Marthe, 19 ans, du comité d’Aix-en-Provence, se réjouit de « ce système de na­vettes commissions-CAN, qui fonctionne très démocratiquement et dans la transparence ».
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Afin de permettre aux journalistes de constater par eux-mêmes combien les militants NPA et LCR travaillent en commun, les commissions de synthèse, réservées aux ­membres du CAN, leur avaient été ­ouvertes. *« Il faut se plier à une méthode de travail, sinon on en a jusqu’à quatre heures du matin »,
prévient avec un sourire Jean-François Grond, de la LCR, alors que les participants de la commission de synthèse sur les statuts commencent la réécriture du document. « Les militants de la LCR ne nous encadrent pas. Mais ils ont plus d’expérience du point de vue organisationnel » , explique Thibaud. « La confiance s’est instaurée grâce au travail en commun » , ajoute Alain Pojolat, 60 ans, militant CGT.
Près de 11 000 cartes de membres fondateurs ont été demandées par les comités. « Tout le monde est fondateur, se réjouit Philippe Lerminiaux, militant NPA de Soissons, tout le monde est sur un pied d’égalité. » Olivier Besancenot a rappelé, lors de la conférence de presse qui a clôturé la réunion, que « le NPA n’est pas trotskiste. Il rassemble des personnes issues de toutes les traditions et surtout des personnes qui n’ont pas d’héritage du tout ».
Les débats en commission ont permis à un grand nombre de délégués de prendre la parole. Du point de vue du programme, « nous sommes pour une transformation révolutionnaire de la société » , a résumé Myriam Duboz lors de la conférence de presse. Le fonctionnement du futur parti prévoit, entre autres, que le congrès des comités locaux élise à parité un conseil politique national (CPN) « représentatif du parti et de ses sensibilités politiques » , selon le document de travail soumis à discussion. Le droit de tendance et de fraction est donc clairement affirmé. « Nous avons obtenu qu’une conférence “jeune” élise les représentants du secteur jeune » , se réjouit également Caroline, du comité Nanterre-Fac. Certaines questions qui exigent une maturation pratique, comme la rotation des élus ou la création d’un niveau intermédiaire de fédération des comités, sont, en revanche, renvoyées à un congrès ultérieur.

Si l’actualité du NPA est au dynamisme, l’orientation politique du futur parti pose cependant la question de son avenir, avec le risque de son possible isolement. « L’amendement du comité de Clermont-Ferrand pour la possibilité d’une alliance aux prochaines élections européennes, sur les bases de la charte du 29 mai 2005, a été repoussé par l’ensemble des commissions », explique Sandra Demarcq, de la commission de synthèse sur l’orientation et militante LCR. « C’est quoi cette charte aujourd’hui ? Faire alliance avec les Verts et Daniel Cohn-Bendit ? » , se demande-t-elle. Christian Picquet, du courant Unir de la LCR, accuse « la commission de synthèse sur l’orientation ­d’avoir décidé seule de repousser l’amendement de Clermont-Ferrand sur l’unité aux élections européennes. Il n’y a eu ni vote ni débat. À la Ligue, une telle décision aurait déclenché une émeute. C’est un message de grande fermeture » . Néanmoins, si la question n’est pas votée, elle « sera un des débats du congrès » , tempère Sandra Demarcq. Mais Olivier Besancenot est plus catégorique. « Nous, nous ne voulons pas faire Die Linke. Notre indépendance est clairement revendiquée, à la différence de Jean-Luc Mélenchon, qui veut créer un parti de gouvernement », a-t-il affirmé en clôture de la coordination nationale.
Il y aura certes une « différence qualitative et quantitative » entre la LCR et le NPA, comme le résume lui-même Besancenot, mais *« ce ne sera pas le jour et la nuit »…
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Politique
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