Sous l’influence de Cohn-Bendit

Le congrès des Verts, à Lille, sera dominé par le développement du large front écologiste pour les européennes de 2009, qui pourrait orienter leur avenir.

Patrick Piro  • 13 novembre 2008 abonné·es

Fin 2006, les Verts s’offraient à Bordeaux un congrès surréaliste : huit motions en lice à quatre mois de la présidentielle, dont celle de leur candidate Dominique Voynet mise en minorité. Le congrès de Lille, les 5 et 6 décembre, s’annonce plus raison­nable : « à peine » six motions proposées au vote préliminaire de quelque 7 700 adhérents, lors des assemblées régionales de di­manche 16 novembre. Quant aux élections européennes de juin 2009, les Verts ont décidé dès septembre d’y participer au sein d’« Europe écologie », le large rassemblement « de Bové à Waechter » lancé par Dany Cohn-Bendit [[
Hamida Ben Sadia, militante des droits de la femme, pourrait le rejoindre. Site : <www.europeecologie.fr>.]]. Aucune des motions ne se risque à le contester : il pourrait recueillir plus de 10 % des suffrages et porte les espoirs d’une majorité de militants, qui misent sur cet élan nouveau pour sortir le parti de l’impuissance politique.
Pourtant, l’opération figurera bien au centre des débats de Lille. Parce que les quatre principales motions spéculent activement sur l’étape suivante, décisive pour l’avenir des Verts.

Officiellement, Europe écologie n’est qu’une machine à capitaliser – mieux que les Verts seuls – la sympathie manifestée par l’opinion pour l’écologie. Ses comités de campagne sont censés disparaître après les européennes. Mais, pour Yves Cochet, qui pilote la motion « Face à l’urgence, unir les écologistes » (Unir), un franc succès jetterait les bases d’une large refondation de ­l’écologie politique, qu’il appelle de ses vœux, y compris au prix d’une dissolution des Verts. Le député de Paris, qui avait semblé un temps au centre du jeu, devrait néanmoins se contenter de 15 % des votes : une partie des militants proches de ses idées n’a pas réussi à s’entendre avec lui et ses amis, et présente la motion « Urgence écolo, urgence sociale » (UEUS). Menée par Jean-Marc Brûlé, maire de Cesson (77), elle est créditée d’une influence équivalente.
C’est la motion Espoir en actes (EEA), emmenée par Cécile Duflot, qui a recueilli le plus de signatures de soutien. L’actuelle secrétaire nationale, qui postule à sa succession, a marqué des points en agissant activement pour rallier les Verts au projet de Cohn-Bendit. Mais dans la perspective de renforcer l’influence et l’autonomie du parti plutôt que d’en préparer la fusion dans un vaste ensemble transcendant les clivages partidaires.
Le choix de Patrick Farbiaz, délégué aux questions internationales, reflète l’état d’esprit de nombreux militants. Transfuge de l’aile gauche du parti, dont il critique désormais l’immobilisme, il a signé la motion EEA « car il faut faire le pari du succès du rassemblement, seule issue pour éviter le délitement des Verts. Dont personne ne souhaite qu’ils rompent avec la gauche ».
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Clairement à gauche : c’est la stratégie de la motion « Ouverture, audace, imagination » (OAI), à égalité de signatures avec EEA, et qui recueillerait comme elle de 25 à 30 % des votes dimanche prochain. Menée par Jean-Louis Roumégas, l’un des porte-parole du parti, elle a le soutien de la sénatrice-maire de Montreuil Dominique Voynet. Son projet : reconstruire une grande alliance de gauche « transformée par l’écologie », pour gagner la présidentielle en 2012. Un succès d’Europe écologie, loin d’adouber une dynamique autonome, serait considéré comme une pierre à cet édifice. *« Nous refusons une vision de l’écologie hors partis,
affirme Anne Souyris, porte-parole des Verts et l’une des têtes d’OAI. C’est au sein de la ­gauche que nous entendons peser. »
« Oui, mais jamais au-delà du PS, accuse Martine Billard. In fine, les Verts ne conçoivent de s’adresser qu’aux écologistes et aux socialistes, délaissant extrême gauche et communistes, qui ne sont plus ces “indécrottables productivistes” que nous fustigions. » La députée de Paris soutient la motion « Altermondialisme, décroissance et écologie populaire » (Adep), qui réunit une large part des Verts radicaux, encore plus réticents qu’OAI face à Europe écologie. « Nous avions approuvé le principe du rassemblement, sous réserve. Mais, depuis, son manifeste, très dépolitisé, et son élargissement potentiel jusqu’au Modem nous posent question… »

Adep, qui ne capterait que 15 % des votes, pourrait finalement s’associer à OAI, qui en cumulerait environ 50 % si la motion de Cochet s’y adjoint aussi à Lille. À égalité donc avec le ralliement qui se dessine autour de Cécile Duflot, que soutiendraient UEUS et la petite motion « Rassembler les écologistes, changer les Verts » (RECV) (entre 5 et 10 % autour de Bernard Jomier). Bref, les tractations ne font que commencer.

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